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Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 11.djvu/28

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passé fût-il muet, l’amélioration de l’atterrage n’en serait pas moins évidemment aujourd’hui le premier intérêt du pays. Des travaux dispendieux ont été proposés dans cette pensée ; mais il n’est pas nécessaire d’enfouir des millions dans le havre de Regnéville pour obtenir tous les avantages qui peuvent en accompagner la restauration.

Le havre est couvert du large par la pointe d’Agora, sur laquelle se groupent (les dunes d’environ 250 hectares d’étendue. Les vents de mer ne cessent d’en enlever des sables et de les porter dans le chenal. La première mesure à prendre serait d’arrêter cette invasion des sables par le boisement des dunes, et l’exhaussement graduel de celles-ci assurerait au havre l’abri que lui refuse contre le vent l’état actuel d’affaissement et de nudité de la pointe. Cela fait, rien ne serait plus efficace ni moins dispendieux que de conduire dans le havre toutes les eaux qui détériorent la côte dans le voisinage. À 7 kilomètres au sud de Regnéville s’ouvre au milieu des mielles la fosse de Lingreville. C’était encore à la fin du XVIIe siècle un abri de quelque valeur[1] : l’étendue en est de 350 hectares ; mais disputée par les sables du large aux eaux qui suintent des terres qui la dominent, la fosse est également impropre à la culture et à la navigation. Ces eaux forment parallèlement à la mer un long ruisseau ; amenées, comme celles qui descendent de Montmartin, à l’échouage de Regnéville, elle creuseraient au-dessous un vide correspondant à celui de la fosse, dans laquelle elles cesseraient de s’écouler : la mer comblerait toute seule la fosse, et le nouvel émissaire, facilement rendu navigable, porterait l’abondance et la fertilité dans les mielles. Les eaux qui maintiennent la lagune de Blainville seraient plus aisément encore reversées au nord du havre par un canal de 7 kilomètres, dont les avantages agricoles et maritimes ne seraient pas moindres que ceux du premier. Des travaux analogues à ceux que M. Bouniceau a si bien conçus et si heureusement exécutés dans la baie des Veys compléteraient le rétaglissement de l’atterrage de la Sienne.

Les cantons de Coutances, de Saint-Malo-la-Lande et de Montrnartin riverains du havre de Regnéville, comprennent 2,842 hectares de terres incultes, auxquels le comblement naturel des lagunes de Lingreveille et de Blainville en ajouterait 700. Ces terres sont des plus susceptibles d’être fertilisées par la tangue ; la preuve en est dans la remarquable beauté des denrées et particulièrement des luzernes récoltées sur une partie des mielles d’Agon, vendues il y a quelques années. Il s’agit donc ici de la création d’une valeur territoriale de 5 à 6 millions de francs. L’activité de la navigation réagirait sur l’exploitation des carrières de pierre de taille et sur celle des fours à chaux de Montchaton et de

  1. Mémoire sur la généralité de Can. 1698. Mss.