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Quelle importance un empereur romain ne devait-il donc pas attacher à la propagation de la foi chrétienne parmi les barbares ! Malheureusement, le christianisme avait suivi dans son expansion au dehors les mes phases que dans son développement intérieur : les deux églises arienne et catholique avaient porté leurs divisions chez les barbares. Tandis que les peuples voisins de l’Occident se convertissaient à la foi de Nicée, Valens entraînait dans l’arianisme la puissante nation des Visigoths, et par elle d’autres barbares de l’Orient. Il en résulta un grand danger pour l’empire déchiré par des guerres religieuses, chaque parti appelant à lui ses coreligionnaires barbares et les trouvant dociles à son appel. Par une compensation fatale, les barbares en guerre contre l’empire rencontraient souvent dans leurs coreligionnaires romains des auxiliaires ou des complices. On voit à combien d’intérêts divers, religieux ou politiques, intérieurs ou extérieurs, l’empereur Théodose crut satisfaire en organisant son système de l’unité catholique. Il promulgua, dans cette pensée, plusieurs lois qui se coordonnaient, et qui, confirmées, amendées, amplifiées par ses successeurs, composèrent un ensemble, un corps de dispositions relatives à l’unité c’est cette espèce de code religieux que l’on voit, dans l’histoire du Ve siècle, tantôt aboli, tantôt remis en vigueur, suivant le triomphe des partis et les oscillations de la politique. En analysant ses dispositions nombreuses, on peut les réduire à quelques points principaux.

La religion catholique, telle que la professe la ville de Rome d’après la tradition du siège de saint Pierre, est déclarée religion de l’empire et obligatoire pour tout sujet romain ; elle seule a le droit de s’intituler chrétienne ; les communions hérétiques ne l’ont pas : elles doivent puiser leur dénomination soit dans la personne de leur fondateur, soit dans les circonstances particulières de leur doctrine. Il leur est également interdit d’employer le mot d’église pour désigner leurs lieux de réunion, de même que le mot de prêtre (sacerdos) pour désigner leurs desservans, — ces qualifications, auxquelles la législation attache des privilèges, des honneurs, des subventions de l’état, devant rester la propriété exclusive du catholicisme.

Certaines hérésies sont prohibées absolument sous les pénalités les plus rigoureuses, telles que l’exil, la confiscation, la mort, l’incapacité de tester ; d’autres sont tolérées, mais sous des conditions encore fort dures. La loi confond à dessein les hérétiques avec les païens, les juifs, les manichéens, sous l’appellation collective de secte ennemie du catholicisme. Les dissidens sont exclus des fonctions publiques ; ils ne peuvent entrer ni dans l’armée, ni dans l’administration, ni dans le barreau. En même temps que la loi dépouille de tout privilège les chefs des communions dissidentes, elle fortifie le clergé catholique ; elle introduit les évêques dans la juridiction civile ; elle leur confère