violation de l’article 45, haute trahison pour n’avoir pas empêché des réunions électorales inconstitutionnelles ; haute trahison pour n’avoir pas empêché ou poursuivi toute propagande écrite dans le même sens. C’est en délibérant sur ce projet de loi que le conseil d’état a pris l’autre jour une résolution qui a causé quelque bruit, parce qu’elle a passé très à tort pour une improvisation de circonstance, et qu’on a tâché de lui prêter l’air d’un argument ad hominem. La discussion rentrait beaucoup plus qu’on ne l’a dit dans le genre spéculatif. Au même genre encore appartiendrait un autre débat qui aurait occupé toute une séance du comité de législation. On en serait venu, d’argument en argument, à reconnaître que les lois d’exil ne frappaient d’inéligibilité aucun des princes bannis ; qu’étant des mesures de précaution provisoire, elles n’atteignaient en rien la capacité civique, comme les jugemens rendus contre les contumaces de juin 1848 ou de juin 1849 ; que par conséquent d’augustes exilés pourraient être élevés à la présidence de la république sans qu’il y eût la moindre violation du pacte constitutionnel, sauf à rappeler ensuite, pour leur ouvrir la terre de France, la loi qui les en repoussait.
Quoi qu’il arrive de cette campagne à huis-clos dans le domaine de la grande fantaisie politique, nous ne demanderions pas mieux, pour notre part, que de voir multiplier le nombre des princes éligibles. Puisque M. de Tocqueville lui-même confesse que nous n’avons le choix, en fait de présidens, qu’entre des princes que « leur naissance met hors de pair et quelque fameux démagogue signalé par des passions violentes, » plus nous aurons de candidatures princières qui puissent en quelque sorte se relayer, moins nous courrons la chance des candidatures démagogiques. — Sérieusement, où mène tout cela ? Nous estimons, comme M. de Tocqueville, qu’il serait « non-seulement inconvenant et irrégulier, mais tout-à-fait coupable, » de pousser artificiellement le peuple à la rescousse des candidatures inconstitutionnelles. Nous faisons seulement cette simple réflexion : si l’impulsion du peuple est artificielle, tous les empêchemens sont de trop, et ce grand appareil comminatoire n’est qu’un luxe inutile, le danger ne vaut point la peine de sonner l’alarme à tout rompre ; il n’y a pas de rouerie administrative qui puisse prévaloir contre l’inertie naturelle du citoyen français en lui mettant au cœur quelque chose qu’il n’y a point de lui-même. S’il est vrai, d’un autre côté, qu’il ait secoué cette inertie, et il n’y aura pas moyen de s’y méprendre, qu’y voulez-vous faire et qu’est-ce que vous jetterez à la traverse ? Il faut toujours être pour le droit, mais il ne faut jamais être contre le bon sens, car le droit s’épuise là où le bon sens le déserte. Poser dès à présent en principe qu’il n’y a de salut pour le pays que dans la réélection inconstitutionnelle du président de la république, ce serait une présomption malencontreuse ; c’en serait une autre « de prévoir des règles de conduite pour des éventualités qu’on n’a point à prévoir. » Nous empruntons encore ces paroles à M. Odilon Barrot, qui, dans toute cette discussion, a montré le sens le plus juste et le plus pratique de la réalité. Les esprits étroits, les politiques pointus, ne doutent de rien, et ne comptent ni avec le hasard, parce qu’ils prétendent tout lui ôter et non pas seulement quelque chose, ni avec l’expérience, parce qu’ils lui préfèrent l’entêtement. Les hommes qui se souviennent et qui réfléchissent comprendront cette pensée de M, Barrot ; « Il est grave et dangereux