Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 11.djvu/42

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le condamné libéré qui les exerce dans un monde où les points de contact avec ses pareils, ou ceux qui sont disposés à le devenir, sont trop multipliés pour ne pas réveiller de dangereuses tentations, ou pousser à de funestes alliances. Les travaux de la terre au contraire, fussent-ils accomplis en commun pendant la durée de la peine, se divisent au dehors en tâches la plupart isolées, et ne placent point le libéré dans un milieu qui le convie à de nouvelles fautes. Il y aurait donc pour la société de grands avantages à ce que les condamnés sortis des professions agricoles y fussent rattachés par la nature de leurs travaux. Cette classe de détenus est de toutes la moins propre à d’autres occupations, et pour celles-ci son éducation est toute faite ; elle est autrement disciplinable que les détenus sortis des villes ; enfin le régime cellulaire la prépare mal à revenir à la vie agricole, et, comme l’ont prouvé les expériences faites au Mont-Saint-Michel même, il fait tourner plutôt que d’autres à l’idiotisme des hommes habitués à l’exercice et au grand air. La privation d’espace, de soleil, les abat et les énerve. Une organisation nouvelle serait donc à donner à une partie de la population des maisons centrales de détention. Pour n’être pas applicable à l’universalité des détenus, elle ne devrait pas être repoussée le meilleur régime pénitentiaire serait incontestablement celui qui, par la diversité de ses procédés, s’adapterait le mieux à la diversité des dispositions perverses contre lesquelles doit se défendre la société.

D’après les Statistiques de la justice criminelle, les campagnes fournissent aux maisons centrales un peu plus du tiers de leur population. À ce compte, environ 4,500 adultes et 400 jeunes garçons auxquels on pourrait sans doute ajouter un ou deux milliers de condamnés pris dans d’autres catégories, seraient disponibles pour la formation d’ateliers de pionniers. Cette dénomination fait à elle seule connaître quelle en serait la destination. Ces pionniers devraient surtout s’attaquer aux rivages de la mer. Sous une direction intelligente et ferme, leurs cohortes cureraient nos ports, creuseraient nos bassins, dessécheraient nos marais ; elles encloraient de digues, sillonneraient de chemins et de canaux les relais de mer appartenant à l’état ; elles planteraient les dunes ou les nivelleraient et les revêtiraient de couches de sol arable. L’utilité publique des ouvrages des condamnés ou la valeur donnée aux terres sorties de leurs mains pour entrer dans le commerce