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Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 11.djvu/434

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de l’altesse bossue, cette lie du sang bourdelais, ces gueux authorisés, ces milords de la plate-forme, ces hommes métamorphosés en arbres par la sédition, ces sénateurs de marché et des places publiques, enfin cette canaille de halle et de carrefour, ont presté main-forte à cette glorieuse exécution, sous la conduite du bourreau qui sera un jour leur bienfaiteur. Mais nous ne cesserons pour cela de placarder, dussions-nous mettre le placard sur le nez et sur la bosse de Conty et dans le lit de sa p… de soeur.

« Après cecy, il faut que le tyran tremble, et que la peur lui cause de plus horribles frissons que sa fièvre quarte.

« Messieurs qui lisez ce plaquart, ne l’arrachez pas, je vous prie, mais laissez-le, afin que tout le monde le voye.

« Ne croyez pas que ce soit Dublanc Mauvezin qui ait placardé lundi matin ; c’est un autre homme qui esgorgera le P. de Conty, et qui couvrira le pavé de son corps. »

On peut s’étonner de trouver Mme de Longueville si sensible aux injures, aux calomnies, à des placards, elle qui en avait tant supporté à Paris dans les premières scènes de la fronde, quand les partis se faisaient aussi la guerre par des pamphlets et par des chansons. C’est qu’alors elle avait un bouclier qui la rendait invulnérable à tous les traits du dehors : elle aimait et elle était aimée. Les temps étaient bien changés. Quelques jours de légèreté lui avaient enlevé à jamais celui pour lequel elle avait tout entrepris. Le duc de Nemours, qui l’avait un moment entourée de tant de séductions, semblait s’être joué d’elle, et l’avait publiquement sacrifiée à Mme de Châtillon. Il venait de périr dans un duel de la main du duc de Beaufort, et le prince de Condé avait pensé lui-même être tué au combat de la rue Saint-Antoine, le 1er juillet 1652. Tous ses appuis, tous ses vrais mobiles d’action lui manquaient donc, et elle demeurait au milieu de la guerre civile sans motif et sans objet.

Aussi, après avoir déployé d’abord à Bordeaux comme à Stenai la plus brillante énergie, elle ne la soutient pas. Dépourvue d’ambition personnelle, dès que l’ambition d’un autre ne la pousse plus, elle retombe dans son aversion naturelle pour les affaires. Dès l’année 1653, nos lettres la font voir fatiguée de la guerre et déjà en voie d’accommodement. Elle savait que son frère le prince de Conti traitait avec la cour. Lenet leur en avait donné le conseil et l’exemple. La fronde était à bout. Ses agitations stériles avaient tourné contre elle tous les esprits. De toutes parts, on revenait à l’autorité royale. Mme de Longueville, fit comme tout le monde, avec cette différence que le premier intérêt dont elle prit soin fut celui de son honneur. Elle ne demanda pas grace, elle n’implora pas d’amnistie ; elle se borna à laisser agir ses amis, Lenet, Mme de Sablé, la Palatine.