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Elle se plaint des procédés de son autre frère, le prince de Conti. Il est question dans toute cette lettre d’intrigues politiques et galantes qui font bien voir qu’elle n’a pas renoncé au monde. Elle demande des nouvelles ; elle propose une correspondance chiffrée, et elle témoigne une assez grande crainte de M. de Longueville.


A MADAME[1] MADAME LA COMTESSE DE FIESQUE[2]. (Il y a un billet[3] dans cette lettre.)


« De Moulins, ce 28 mars (1654).

« Le panneau est grossier, et la pièce est mal inventée[4]. J’en loue Dieu de tout mon cœur, car enfin, outre l’intérest de Mademoiselle, j’y ay encore le mien, et vous voiez bien que la belle[5] dont est question avoit envie de faire ce qu’on appelle en méchant proverbe d’une pierre deux coups. Car enfin si Mademoiselle eut escrit de cette manière, on eut pris le courrier assurément et on n’eut pas douté que je n’eusse part à son envoy. Enffin nous avons là une bonne amie[6] qui veille sur nous quand nous dormons, et qui veille à nos intérests quand nous les nesgligeons. Vrayment voilà la plus digne histoire que cette dame ait encore fabriquée, et je vous trouve bien heureuse de l’avoir en vostre voisinage pour estre récréée de temps en temps de ses comédies. J’en sçay quelques-unes, et je voudrois fort que celuy[7] qui en est le principal subject en fut instruit, car enfin avec toutes ces tracasseries elle lui gaste ses affaires ; car je sçay qu’il n’y a sorte de sotises qu’elle ne dise pour monstrer qu’elle en est la maîtresse. Ce sera une digne action que de la servir auprès de luy ; mais il faudroit qu’il rompît avec elle sans esclaircissement. Je m’en vais me mettre en

  1. Nous devons la communication de cette lettre autographe à la gracieuse obligeance de Mme la duchesse de Grammont.
  2. Dame d’honneur de Mlle de Montpensier, que celle-ci nous peint comme fort intrigante et s’entendant sous main avec le cardinal, tandis que son mari semblait être à M. le prince de Condé.
  3. Ce billet n’est plus.
  4. Sur l’intrigue à laquelle il est fait allusion, voyez les Mémoires de Mademoiselle, t. III, p. 22, 24, 25, 26.
  5. Une autre main, mais encore du XVIIe siècle, a mis cette note : « Mme de Châtillon. »
  6. Ce doit être Mme la princesse Palatine, qui ne manqua à aucun de ses amis, dans quelque parti qu’ils fussent, et se chargea des intérêts de Mme de Longueville auprès de la cour.
  7. La même main : « M. le Prince. »