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Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 11.djvu/533

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et en quelques lieux on laissa aux évêques mourans le soin de désigner leurs successeurs, dans l’idée qu’au seuil de ce monde inconnu où ils allaient entrer, leur esprit, dégagé de ses ténèbres et de ses passions, recevrait une sorte d’illumination divine. Cette question des élections canoniques fut, on peut le dire, l’une des grandes questions de l’église et de la société politique du moyen-âge. La pragmatique de saint Louis, la déclaration de 1682, le concordat, ne sont, pour ainsi dire, que les épisodes d’une guerre qui se prolongea durant bien des siècles. Les mêmes agitations se produisirent dans la société civile à l’occasion du principe de l’éligibilité ; la maxime tant de fois invoquée par l’église, celui qui doit être obéi par tous doit être choisi par tous, passa, pour ainsi dire, du temple sur la place publique, et c’est là, dans les institutions du passé, un fait qui n’a point été suffisamment mis en lumière. En effet, quand on remonte aux origines de notre histoire, on trouve presque toujours, comme principe des pouvoirs réguliers, la délégation collective. Les formes varient à l’infini : elles se modifient sans cesse, suivant les temps et les lieux ; mais on peut dire sans exagération que le droit électoral, combattu d’un côté par la féodalité et de l’autre par la royauté, n’en fut pas moins, pendant tout le moyen-âge, un droit imprescriptible et très étendu, non pas précisément en raison du nombre de ceux qui l’exerçaient, — car le travail des grands pouvoirs de l’état fut toujours de le restreindre, — mais en raison de l’importance et de la multiplicité des charges qui étaient conférées par la délégation.

Quelques documens du XIIe siècle donnent aux évêques de France le titre de prince, et ce titre peut s’appliquer justement à l’évêque de Paris. En confirmant les droits de la cathédrale, Louis-le-Débonnaire avait décidé que l’île de la Cité, ainsi que quelques rues adjacentes, seraient laissées tout entières au gouvernement de l’évêque : il était là, dit avec raison M. Guérard, comme un souverain entouré de ses sujets ; mais cette espèce de royauté ecclésiastique fut bientôt attaquée. Sous le règne de Louis-le-Gros, l’évêque dut recourir à ce prince pour défendre ses privilèges. Enfin ses droits et ceux du roi furent réglés en 1222. En vertu de cette transaction, le roi se réservait la connaissance du rapt et du meurtre dans le bourg de Saint-Germain-l’Auxerrois, lorsque les coupables étaient pris en flagrant délit, ou qu’ils faisaient spontanément l’aveu de leur crime. Quand les coupables ne faisaient point cet aveu, quand le flagrant délit n’était point constaté et qu’on voulait les convaincre par le duel, ce duel avait lieu à la cour de l’évêque. Celui-ci avait la punition des vols et autres crimes punissables par la mutilation ; il pouvait faire exécuter les coupables dans sa terre. Le roi avait l’ost et la chevauchée, c’est-à-dire le droit de lever des hommes et des chevaux pour la guerre dans une partie des terres de l’évêque. Il pouvait y lever aussi un impôt pour armer son fils chevalier, marier, ses