une sorte de congrégation séculière et devaient sans nul doute au protectorat du clergé et à sa surveillance incessante une condition plus assurée, une vie plus morale que celle des hommes libres eux-mêmes dans la société civile. Les couvens étaient comme des bureaux de charité toujours en permanence, qui avaient autour d’eux une population flottante de pauvres. À Centule, l’abbé partageait chaque jour aux mendians 100 sous d’or ; il nourrissait 300 pauvres, 150 veuves et 60 clercs. Le couvent de Moissac distribuait, le jour du jeudi-saint, du pain, du vin, des haricots et des pièces de monnaie à 200 personnes. Hirschau donnait annuellement en aumônes 400 muids de fruits ; dans une disette, en 1197, l’abbé de Hemmenrode faisait cuire chaque jour un bœuf entier, qu’il distribuait avec du pain. Chaque année, à Cluny, on secourait 17,000 pauvres, et on faisait tuer, pour les distributions de bienfaisance, 250 truies. Les évêques n’étaient pas moins empressés de faire le bien : c’était surtout dans les temps de peste et de famine qu’ils avaient occasion de signaler leur zèle. Au moment des grandes calamités publiques, un nombre infini d’indigens se retiraient dans les villes épiscopales pour y chercher des secours, qui du reste leur faisaient rarement défaut. Les dignitaires de l’église, après avoir distribué leur argent, leurs provisions, vendaient souvent leurs meubles, des châsses, des reliquaires, des vases d’or, pour venir en aide aux populations souffrantes. Quelquefois même ils s’employaient auprès du pouvoir séculier pour en obtenir des ressources nouvelles, quand leurs ressources particulières étaient épuisées : c’est ainsi qu’à la demande de Désiré, évêque de Verdun, le roi Théodebert fit aux commerçans de cette ville une avance de 7,000 sous d’or, qui les sauva de leur ruine, et qui plus tard leur fut remise en entier, lorsqu’ils offrirent de la payer au roi. 7,000 sous d’or ne font pas moins de 630,000 francs de notre monnaie actuelle, et, malgré les immenses ressources de nos budgets modernes, il serait peut-être difficile aux gouvernemens de faire de semblables avances à des villes d’une importance secondaire. On pourrait étendre à l’infini ce tableau des bienfaits du clergé. Nous n’insisterons pas davantage ; mais nous indiquerons l’un des côtés les plus curieux de la question, un côté omis par M. Guérard dans sa publication, d’ailleurs si recommandable : nous voulons parler des l’influence de l’église sur le développement de la liberté politique, et du rapport qui existe entre les affranchissemens individuels opérés par cette influence et l’affranchissement collectif du XIIe siècle, car la part du christianisme dans le mouvement ascensionnel des classes primitivement asservies a été beaucoup plus grande qu’on ne le dit généralement.
Comme les œuvres de charité, le rachat des captifs figurait pour des sommes considérables dans le budget de l’église. La guerre, au moyen-âge, n’était pas, comme aujourd’hui, un duel entre deux armées, mais