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Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 11.djvu/648

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d’ailleurs couru déjà, en 1660, un sérieux danger. On le mutilait pour le transformer en mosquée. Les Grecs s’émurent, et un ordre venu, à leur prière, de Constantinople sauva le temple pour toujours. Depuis, il n’a plus été frappé que de la foudre, qui a fendu de haut en bas une de ses colonnes. Sans triompher de ces rares violences, il est permis d’affirmer que la seule présence des musulmans a été un malheur pour l’architecture antique. Leur contact l’a gâtée, salie, déshonorée. Obligés de se loger sur l’acropole, d’où ils commandaient la ville, ils y bâtirent des masures en plâtras qui n’étaient ni des maisons ni des tentes. Ces huttes s’appuyaient aux plus nobles colonnes, et s’y cramponnaient à des clous dont la tête saillante brise par endroits les lignes pures et déliées des cannelures. L’œil suit encore sur les tambours la trace oblique et noirâtre de leurs toitures écroulées. Là, une fumée épaisse exhalée de la cuisine des janissaires, s’est répandue sur les marbres et les a souillés à jamais d’une couche de suie. Quelle différence entre la façade orientale du Parthénon long-temps condamnée à ce triste voisinage et les ruines du côté méridional que le soleil a seul effleurées et dorées ! De plus, le culte des mahométans leur a inspiré des additions et des arrangemens qui sont autant d’insultes à Ictinus et à ses œuvres. Les minarets ont assurément une grace originale. Leur taille élancée donne de la saillie aux passages orientaux et corrige ce que les coupoles ont souvent d’écrasé dans leur massive rondeur, et puis ils accompagnent naturellement la mosquée, comme la flèche complète et couronne la cathédrale gothique ; mais qui croira que des êtres raisonnables aient eu la pensée de placer un minaret sur le toit du Parthénon ? Voilà pourtant ce qu’ont osé les Turcs, et l’angle le plus apparent de l’édifice, celui qui regarde le golfe Saronique, fut justement le lieu par eux choisi pour ce contre-sens ridicule. Il ne reste plus aujourd’hui que l’escalier du minaret par où l’on monte jusqu’au fronton occidental, route sûre et facile, ouverte par la plus stupide imprévoyance aux déprédateurs, qui, comme on sait, n’ont pas manqué de la prendre. Dans l’intérieur des cellas, la dévotion turque s’était sans scrupule installée avec le même esprit de convenance et d’à-propos. Ici, c’étaient de pauvres chapelles construites ou plutôt bâclées comme pour un jour avec des planches et des débris au milieu même des parvis antiques ; ailleurs, s’étalant sur les blocs d’Ictinus, des crépissages sans nom ; souvent la voûte informe de la mosquée à la place du comble élégant et léger que recouvraient les tuiles de Paros. Je ne dis rien des murailles qui opprimaient les Propylées et les chapiteaux de la Pinacothèque. Les Vénitiens et les Francs avaient imaginé avant les soldats de Mahomet cette étrange façon d’achever l’œuvre de Thémistocle.

Les Turcs ne s’en sont pas tenus malheureusement à ces dégradations déjà si regrettables. Ces monumens grecs maltraitas par leurs mains ignorantes, ils n’ont pas su les défendre pendant la guerre