pas de l’hôtellerie. Malheureusement tout y était clos, et les aboiemens d’un chien laissé dans l’intérieur répondirent seuls aux coups frappés contre la porte. Berrendo, forcé de renoncer à son projet pour ce jour-là, s’achemina vers une neveria, dans l’espoir que, parmi les consommateurs qui fréquentent ces établissemens, il recueillerait quelque renseignement de nature à le satisfaire. C’était par une chaude soirée, le café était plein, et Berrendo s’assit plus occupé de prêter l’oreille à ce qui se disait autour de lui que de vider le verre de neige à la cannelle qu’il s’était fait servir. Son espoir ne fut pas tout-à-fait trompé ; on s’entretenait des affaires de l’époque, et le nom de don Ramon Rayon fut prononcé plusieurs fois avec un accent plutôt ironique qu’hostile.
Un seul individu parmi tous ceux qui se trouvaient dans la neveria semblait complètement étranger à ce qui se disait autour de lui. Son costume ne différait-en, rien de ceux qui l’entouraient ; quant à sa physionomie, il était difficile de l’apercevoir dans l’intérieur obscur du café, car de son front appuyé sur ses deux mains de longues mèches de cheveux pendaient comme les branches du saule ravagées par l’orage et masquaient à demi sa figure. De temps en temps seulement Berrendo surprenait un ardent regard fixé sur lui.
— Don Ramon est-il donc passé par ici ? demanda Berrendo à l’un des personnages qui venaient de prononcer le nom du guerrillero. Il affectait à dessein de regarder comme une nouvelle imprévue pour lui le bruit du passage de don Ramon à Pucuaro. Avant qu’on eût répondu à Berrendo, l’inconnu attacha sur le questionneur un regard plein d’ironique dédain ; puis il se leva, paya l’hôte et sortit.
— Sans doute, fut-il répondu à Berrendo, et il y a dans l’église des gens qui sauraient dire, s’ils le voulaient, ce qu’est devenu aujourd’hui le profanateur des tombeaux.
Une profanation ! des tombeaux violés ! c’étaient là d’étranges révélations pour Berrendo. Il voulut en savoir davantage : on lui dit de s’adresser aux desservans de l’église. À la chute du jour, Berrendo s’achemina donc vers l’église ; il allait en franchir le seuil : une forme légère et svelte passa près de Berrendo, qui n’eut pas de peine à reconnaître la belle jeune fille à laquelle il n’avait pas cessé de songer. Elle sortait de l’église, et Berrendo s’empressa de lui présenter galamment de l’eau bénite au bout de son doigt en disant à voix basse avec un regard passionné :
— Heureux les yeux qui voient deux fois dans un jour un ange du paradis ! et je rends graces au ciel de vous rencontrer encore.
La jeune fille rougit et ne répondit rien ; mais une espèce de duègne qui marchait derrière elle se chargea de la réponse.
— C’est un bonheur d’égoïste, seigneur cavalier, dit-elle d’un ton