Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 11.djvu/763

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

portées par M. Baroche à la tribune l’ont très nettement caractérisée. Ce n’est pas, on le voit trop, une situation d’agrément et d’abandon : c’est une faction qu’il faut monter l’arme au bras mais il ne faut pas non plus en outrer les ennuis. M. Baroche a réduit à sa juste valeur le voyage du pape à Castel-Gandolpho ; il a récusé, comme lord Palmerston l’avait fait la veille, l’authenticité de prétendues notes adressées par le pape aux cours de Saint-Pétersbourg, de Vienne et de Naples, à celle de Naples par les deux autres. Il n’a point amplifié notre influence en Italie ; il l’a montrée ce qu’elle est réelle sinon prépondérante. Nous serions prépondérans, si nous nous donnions à l’un ou l’autre des partis extrêmes ; ce n’est pas là notre rôle.

Lisez seulement le compte-rendu de la montagne, dont nous avons encore quelques mots à dire ; vous verrez comme le rôle qu’elle réserve à la France aurait plus d’éclat que celui qui nous est maintenant assigné ! La France entre ses mains redeviendrait la conquête, l’instrument d’une minorité triomphante ; et, régnant du droit de sa souveraine science, de sa prédestination providentielle, cette orgueilleuse minorité ne consulterait pas plus l’instrument qu’elle manierait sur l’usage qu’il lui plairait d’en faire que le bûcheron ne consulte sa cognée pour abattre du bois. L’important dans ce manifeste, ce n’est pas la critique du gouvernement par l’opposition, ce n’est pas non plus le panégyrique de l’opposition par elle-même, il n’y a là que l’éternelle histoire de toutes les luttes humaines : le nouveau, l’inoui, c’est l’audacieuse impudeur avec laquelle une minorité rebelle se préfère à tous et s’élève au-dessus de tout, s’arrogeant comme une sorte de droit inné de représenter la France à elle seule, et lui niant le droit d’être autrement représentée que par elle. Sous un régime de libres élections, cette minorité prétend ne pas compter avec le plus grand nombre des élus du pays ; sous un régime de libre discussion, cette minorité commence par proclamer nuls les résultats du scrutin. On lui demande où est la contre-épreuve, où est le criterium de la pensée qu’elle prête à la France ? — En moi ! — Où est la vertu, la vie, l’avenir de la France ? — En moi, toujours en moi ! — Son raisonnement est tranchant comme le fil d’une épée. La constitution dit qu’une minorité de 188 voix suffit à tenir en échec les 562 autres, précisément dans le cas où ces 562 trouveraient la constitution assez mauvaise pour la vouloir changer : à la bonne heure, voilà qui est de notre goût et qui nous assure la joie de vous faire bien sentir le mors et la bride ! — Mais la constitution ne dit point qu’il soit absolument interdit à la majorité de rédiger des lois : tant pis pour la majorité, il n’y aura de lois valables pour nous que celles que nous aurons déclarées constitutionnelles, et il ne nous convient pas de regarder comme telle la loi du 31 mai. Donc cette loi n’existe pas. — Et, qu’on en soit sûr, on ne raffine point ici cette logique insultante pour l’amer plaisir de s’en blesser soi-même davantage ; elle est tout entière écrite au manifeste ; il y a plus, elle y est écrite en un mot.

La montagne raconte à la nation qu’elle a trois fois, autant qu’il dépendait de ses votes, repoussé les mandataires des électeurs constitués par la loi du 31 mai ; la troisième fois, c’était la grande victoire de M. Schoelcher « La majorité admit l’élu du privilège, dit le manifeste ; la république vota la nullité de l’élection. »

C’est là vraiment la formule suprême de leurs convictions politiques, c’est là