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déverse sur les traitemens infligés à Naples aux prisonniers politiques, prennent une force nouvelle sous la plume d’un homme comme lui. M. Gladstone a d’abord été ministre du commerce et ensuite ministre des colonies dans le cabinet de sir Robert Peel : c’est le fils de l’un des plus riches négocians de Liverpool, qui fut l’ouvrier de sa fortune, et qui possède, dit-on, aujourd’hui un capital d’environ 40 millions de francs. M. Gladstone est un des chefs du jeune parti tory. Il est né en 1809, et il a fait de brillantes études à l’université d’Oxford. On n’ignore pas quels sont les principes de cette université, dont M. Gladstone est devenu le représentant à la chambre des communes. Il jouit en Angleterre d’une grande renommée de modération et d’impartialité, et, quoique très zélé protestant, il a voté dernièrement, au nom de la liberté religieuse, contre le bill des titres ecclésiastiques. M. Gladstone ne raconte que ce qu’il a vu dans son voyage de Naples. Ces récits ont vivement ému toute la presse anglaise. Les personnes les mieux informées prétendent qu’avant de donner son assentiment à la publication de ces lettres, lord Aberdeen a désiré faire, par l’entremise du gouvernement autrichien, une tentative auprès du gouvernement napolitain, afin d’obtenir quelques adoucissemens à de telles rigueur. N’ayant pas réussi, lord Aberdeen s’est associé de grand cœur à l’œuvre de son ancien collègue. Cette version, qui est fort accréditée à Londres, se trouve implicitement confirmée par le préambule de la seconde lettre de M. Gladstonne à lord Aberdeen. Quelle que soit l’importance ou la signification de ces deux lettres, il ne faudrait pourtant pas exagérer l’effet qu’elles auront sur les affaires d’Italie. Si les droits de la raison, de la justice et de l’humanité trouvent encore de puissans défenseurs, il n’est pas de gouvernement qui voulût prendre sur lui de donner le branle à la révolution.

Aussi, qu’est-ce qu’a fait après tout lord Palmerston, quand sir de Lacy Evans l’a complaisamment interpellé sur l’état des choses en Italie ? Il s’est borné à répondre que l’indépendance du Piémont ne courait aucun risque, et qu’il partageait les sentimens de M. Gladstone sur le régime napolitain. Comme preuve de sa sympathie pour les victimes, il a dit seulement qu’il envoyait des exemplaires du livre de M. Gladstone à tous les agens anglais près des cours étrangères. C’est un genre d’intervention qui ne lui créera jamais beaucoup d’embarras.

L’état du Portugal ne laisse pas d’être toujours bien critique, et le maréchal Saldanha, qui voudrait évidemment réparer ce qu’il y a de réparable dans sa fausse position, est maintenant plus mal à l’aise dans son triomphe que le comte de Thomar dans son exil. Il lui faut à la fois se défendre contre l’invasion des radicaux, et ne pas tout céder à l’influence anglaise, dont il est beaucoup plus l’obligé que ne l’était le comte de Thomar. La loi électorale, d’abord promulguée sous le coup des circonstances a été modifiée par de nouveaux décrets, et l’ouverture des cortès est prorogée jusqu’au 15 décembre, pour laisser le temps d’introduire ces modifications dans la pratique. Ces modifications sont peu favorables aux ultra-progressistes, et l’esprit dans lequel on a corrigé la loi primitive, marque une sorte de retour vers la modération. On reconnais même ouvertement, dans le préambule de la loi ainsi amendée, qu’il n’y avait pas moyen de l’exécuter telle qu’elle était d’abord. Entre autres différences qui séparent la seconde édition de la première, il faut compter la suppression du droit électoral