envahissait bientôt la cour, ne fît pas trop de tapage. Il se donnait beaucoup de mal pour établir un peu d’ordre aux abords du grand salon ; mais ; comme il ne portait ni hallebarde ni verge noire, les enfans et les mauvais plaisans de tout âge se faisaient un jeu de le tourmenter. Sa livrée, qui l’eut fait prendre chez nous pour un marchand de vulnéraire suisse, ne suffisait point à lui attirer le respect des curieux. Aussi, tandis que dans l’intérieur du salon vitré la marquise, sa suite et les invités accomplissaient leurs exercices religieux, on se livrait en dehors à des conversations profanes et tumultueuses. Seulement, lorsque le prêtre, c’était don Gregorio le chanoine, donnait la bénédiction, la foule tombait à genoux, et il régnait dans la cour un si profond silence, qu’on entendait les pieux gémissemens des duègnes blotties dans les coins.
Logé dans l’hôtel, don Patricio assistait à la cérémonie, non pas en habits de gentleman, moins encore en uniforme d’officier, mais en simple tenue de cavalier péruvien. Un soir, comme les curieux s’écoulaient, il attendait que don Gregorio sortît pour l’accompagner jusqu’à sa demeure. Le hasard voulut que la marquise retînt le chanoine à souper ; don Patricio, adossé à la muraille, regardait machinalement les bougies qui s’éteignaient l’une après l’autre dans la chapelle, quand une petite main saisit vivement son bras. Il se détourna et vit Rosita, qui, serrée contre lui, le contemplait avec une émotion mêlée de crainte, et semblait dire : — Je le tiens !
— Il n’y a plus personne dans la cour ? cria au même instant le vieux nègre ; je vais fermer la porte, et tant pis pour qui restera dedans : une fois dans ma loge je n’ouvre plus !
— Attendez, répliqua don Patricio, je sors !
Il sortit en effet, et emmena Rosita pour empêcher que le nègre ne la vît. La lune se levait, et la brise de mer, près de s’assoupir, murmurait encore faiblement dans les arbres des jardins. Quand ils furent dehors, le jeune lieutenant s’arrêta une minute : — Que me veut-elle ? Où vais-je ? Telles furent ses premières pensées, et il eut envie de congédier Rosita ; puis la pensée lui vint de savoir quels progrès avait faits dans le cœur de la Péruvienne cette passion subite dont il étudiait froidement les phases diverses. Cette promenade d’ailleurs serait la dernière : il dirait à la jeune fille quelques bonnes et honnêtes paroles que fortifierait encore un éternel adieu. Il semblait que Rosita devinât ce qui se passait en lui ; elle s’accrochait à son bras et l’entraînait en avant, comme pour l’empêcher de retourner sur ses pas. Ils allèrent ainsi jusqu’à l’entrée de la grande et belle route plantée d’arbres qui conduit de Lima au Callao. Les étoiles brillaient à sur un ciel profond dont aucun nuage n’avait depuis bien long-temps altéré la pureté ; la lune, qui commençait à monter au-dessus des