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Elliott, Lin obtint la remise de vingt mille caisses d’opium, qu’il fit réduire en pâte et jeter à la mer le 7 juin 1839. C’en était fait du commerce de l’Angleterre en Chine, si cette puissance laissait une pareille violence impunie. La guerre fut donc résolue, et Chou-san vit bientôt briller sous ses murs les baïonnettes transportées par la flotte anglaise du golfe du Bengale dans les mers de Chine. Cette première campagne fit tomber entre les mains des Anglais, le 5 juillet 1840, l’île de Chou-san, considérée comme la clé du commerce maritime des provinces septentrionales, et imposa, le 25 mai 1841, à la ville de canton une rançon de 36 millions de francs. Ces rapides succès ne firent point fléchir cependant l’orgueil de l’empereur ; ils n’amenèrent de sa part que des négociations déloyales, dans lesquelles un nouveau mandarin, le souple et astucieux Ki-chan, déploya, pendant quelques mois, toutes les ressources de la diplomatie chinoise. L’Angleterre dut alors songer à porter ses forces sur des points plus sensibles de l’Empire Céleste, et dirigea de nouveau sa flotte vers le nord. Canton demeura pour ainsi dire un terrain neutre ; le commerce y reprit ses anciennes allures, de nombreux navires se pressèrent dans le fleuve, et vinrent acquitter, en même temps que les droits impériaux, les taxes vénales des mandarins. Les Anglais se résignèrent même à subir en cette occasion un impôt additionnel, et ce fut leur commerce qui, par le paiement de cet impôt, supporta en réalité la contribution de guerre dont les marchands de Canton avaient fait l’avance.

La seconde campagne, ouverte au mois d’août 1841, fut dirigée par un nouveau plénipotentiaire, sir Henry Pottinger, qui avait succédé capitaine Elliot. La flotte, commandée jusque-là par le commodore sir Gordon-Bremer, passa sous les ordres du contre-amiral sir William Parker, et la conduite des troupes demeura confiée au général sir Hugh Gough. L’île de Chou-san, que dans un élan de confiance le capitaine Elliot, avait rendue au gouvernement chinois, fut de nouveau occupée par les troupes britanniques ; Amoy, Chin-haë, Ning-po, virent également flotter la croix de saint George. Ces conquêtes furent accomplies en moins de deux mois, et ne coûtèrent aux vainqueurs qu’une vingtaine d’hommes. L’Europe étonnée commençait à se demander quelle serait l’issue d’une guerre dont le cours était marqué par de si faciles triomphes. Les Anglais trouvèrent à Ning-po ce climat vif et fortifiant du nord, si salutaire aux constitutions affaiblies par la température énervante des tropiques. Les soldats de l’Inde eux-mêmes éprouvèrent les, bienfaits de l’hiver. Dans la première campagne, entreprise pendant l’été, on avait compté les malades par milliers. Cette fois, les hôpitaux étaient vides, bien que la neige couvrît souvent les rues et qu’un vent glacial semblât apporter jusqu’à Ning-po les frimas de lia Mantchourie. Les paisibles habitans du Che-kiang n’avaient pas abandonné