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Missions étrangères le soin de développer les germes de foi déposés par ce prètre-martyr. La Corée fut érigée en vicariat apostolique. Le premier évêque, Mgr Bruguière, n’atteignit la frontière de son diocèse qu’après des prodiges de persévérance. Il mourut sans avoir pu y pénétrer. Deux missionnaires, MM. Maubant et Chastan, et un nouvel évêque, Mgr Imbert, furent plus heureux. Ils franchirent sur la glace le Ya-lo-kiang, le fleuve du Canard-Vert, qui se jette sur les confins du Leau-tong dans la mer Jaune, et arrivèrent jusqu’à Séoul, capitale de la Corée. De nombreuses conversions récompensaient déjà leur courage, quand les progrès de la secte proscrite furent dénoncés à la cour. Dans une seule séance, quarante chrétiens furent condamnés à mort : un système de visites domiciliaires, qui rendait cinq familles responsables pour un seul individu ; fut organisé dans les huit provinces. On voulait, à tout prix découvrir les trois Européens qu’on savait cachés dans le pays. Les missionnaires pensèrent que le moment était venu de sacrifier les pasteurs pour sauver le troupeau : ils se livrèrent aux satellites qui avaient perdu leurs traces, et furent mis à mort le 21 septembre 1839.

Ce ne fut qu’à la fin de 1842, que ces désastreuses nouvelles arrivèrent en Chine. Un nouvel évêque fut nommé par le saint-siège : ce fut Mgr Ferréol. Ce prélat parvint jusqu’à la frontière ; mais les guides chrétiens venus à sa rencontre refusèrent de l’introduire en Corée. Depuis la dernière persécution la surveillance des autorités était devenue plus active. Des postes de soldats échelonnés de distance en distance gardaient toutes les issues. Un jeune diacre coréen élevé dans le séminaire de Macao, où il avait été envoyé par les premiers missionnaires, André Kim, fut plus heureux que l’évêque : il parvint à se glisser en Corée entre les nombreux postes de la frontière et à pénétrer dans la capitale. Ce chrétien intrépide résolut alors d’aller chercher Mgr Ferréol à Shang-haï et de l’amener par mer sur les côtes de la péninsule que les autorités coréennes croyaient suffisamment gardées par l’absence de toutes relations maritimes entre la Corée et la Chine. Plein d’ardeur et d’espoir, il réunit quelques néophytes, gagna la côte, se jeta avec ses compagnons dans une mauvaise barque, et, capitaine improvisé, se lança en haute mer cherchant à l’aide d’une méchante boussole les rivages du Céleste Empire. Tout devait être aquilon pour le frêle esquif. Un coup de vent le surprit au milieu de la mer Jaune ; le gouvernail fut brisé ; les Coréens se croyaient perdus : André seul avait conservé toute sa confiance. Ces nouveaux Argonautes rencontrèrent heureusement, au milieu de ce pressant péril, une jonque chinoise qui se chargea, moyennant la promesse d’une assez forte somme, de prendre leur bateau à la remorque et de le conduire jusqu’à Shang-haï. Quelques jours plus tard, Mgr Ferréol élevait au sacerdoce le courageux