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Tu-duc (postérité vertueuse), et, malgré quelques velléités de persécution qui signalèrent les premiers jours de son règne, les chrétiens recueillirent bientôt, sous ce prince plus éclairé que son père, les fruits du combat de Tourane.

M. Lapierre avait dignement rempli à Tourane la première des deux missions que lui avait léguées l’amiral Cécille ; la seconde, dont les côtes de la Corée étaient le but, présentait des difficultés de navigation toutes particulières. On n’a encore jusqu’à ce jour pu réunir sur l’hydrographie de la Corée que des données bien incomplètes. Les navires qui conduisirent lord Amherst à Pe-king en 1816, la frégate l’Alceste et le brick la Lyra, ont tracé de leur route à travers l’archipel un croquis rapide et vague ; le capitaine Basil Hall y avait joint la relation de ce voyage. Il indiquait comme un mouillage sûr la baie qui porte son nom ; c’est sur ce point que, le 9 août 1847, se dirigeaient la Gloire et la Victorieuse. La corvette était à un mille en avant, sondant et signalant le fond ; le vent du sud-ouest soufflait avec force, la mer était grosse ; les deux navires étaient emportés par un sillage rapide, bien qu’ils eussent deux ris pris aux huniers. Tout à coup les signaux et la manœuvre de la Victorieuse indiquent que la route est dangereuse à tenir. On veut serrer le vent, revenir sur ses pas, mais le courant contraire et la grosse mer repoussent la frégate et la corvette. Chaque bordée les enfonce davantage dans l’impasse où elles sont engagées ; elles s’échouent. C’était le moment de la haute mer et la veille de la nouvelle lune ; la mer baissa ce jour-là de dix-huit pieds, le lendemain de plus de vingt-et-un. La corvette demeura complètement à sec ; la frégate n’eut plus autour d’elle que quelques pieds d’eau. Aucun effort humain ne pouvait sauver ces deux navires, bientôt ouvert et brisés par la vague. Ce fut alors que l’on vit ce que peuvent le sang-froid et la sérénité des chefs. La division française était perdue ; la chance avait tourné contre elle : il fallait remettre à d’autres temps les regrets que ce désastre pouvait inspirer. Ce qui était urgent, c’était d’assurer le salut de plus de sept cents hommes, dont l’existence dépendait des mesures qu’allaient adopter les deux capitaines. On chercha d’abord un refuge sur une des îles voisines, sur l’île Ko-koun. On s’y établit sans difficulté avec les vivres et les armes qu’on avait sauvés du naufrage, et on s’occupa immédiatement de s’y retrancher. Bientôt des Coréens arrivèrent du continent ; ils furent étonnés de trouver les naufragés en si bon état de défense, et promirent d’apporter du riz, qu’on menaça d’aller chercher soi-même, si cette promesse n’était pas réalisée. On avait songé en effet à traverser le bras de mer qui sépare l’île Ko-koun de la terre ferme, et à gagner Pe-king, ou du moins un des ports du Leau-tong ; mais on voulut tenter d’abord une autre chance. Deux embarcations furent confiées à MM. Delapelin et Poidloue, lieutenans de