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celle des horloges à roues dentées. Le moyen-âge, frappé de son génie, le regarda comme un sorcier, et certes tout ce qui se rapporte à un homme de cette valeur ne peut manquer d’exciter l’intérêt. La Société de l’Aube, tout en s’occupant plus particulièrement d’agriculture, n’a pas négligé l’histoire. On lui doit quelques mémoires et la fondation du musée de Troyes. Celle de Langres, créée en 1842, s’est donné pour principale mission de recueillir et de publier les documens qui se rattachent aux diverses localités du département de la Haute-Marne, et de réunir en même temps les inscriptions antiques et du moyen-âge.

Ville gauloise, municipe romain, commune orageuse et puissante, métropole ecclésiastique, Reims, l’antique Durocortorum, est justement fière de son passé, et à toutes les époques, y compris l’époque mérovingienne, son histoire a été curieusement étudiée. Sans parler des monographies d’Anquetil, de Géruzez, de Camus Daras, elle a eu, de notre temps et parmi ses enfans mêmes de laborieux annalistes : M. Louis Pàris, éditeur de la Chronique de Rains ; M. P. Varin, qui a commencé dans la Collection des documens inédits la publication de ses Archives ecclésiastiques, municipales, judiciaires et industrielles, travail considérable auquel le savant éditeur se dévouait avec une patience infatigable, lorsque la mort vint l’enlever jeune encore à l’enseignement de l’histoire. Travailleur non moins zélé que M. Varin, M. Prosper Tarbé, tout en publiant en collaboration avec M. Macquart une monographie de sa ville natale et une brochure sur les dalles de Saint-Nicaise, a donné, de 1848 à 1851, la collection en treize volumes in-8o des poètes champenois antérieurs au XVIe siècle, avec notices, variantes, éclaircissemens et glossaires. La Champagne, qui a donné à la France un si grand nombre d’hommes éminens dans tous les genres, Joinville,Villehardouin, Gerson, Jeanne d’Arc, Mignard, Mabillon, La Fontaine, Colbert, Turenne, Diderot, la Champagne a donné aussi dans le moyen-âge des poètes auxquels il n’a manqué souvent qu’une langue plus parfaite. En populrisant aujourd’hui les œuvres de Guillaume de Machault, d’Eustache Deschamps, de Chrestien de Troyes, de Godefroy de Laigny, de Bertrand de Bar, Guillaume Coquillart, de Thibault IV, comte de Champagne et roi de Navarre, et des chansonniers champenois des XIIe et XIIIe siècles, M. Tarbé a donc rendu un véritable service non-seulement à l’histoire de la province, mais encore à celle de notre vieille littérature. Son recueil contient un grand nombre de morceaux inédits ; mais on peut lui adresser le reproche d’avoir mis dans ce travail un peu trop de précipitation, ce qui nuit à la correction des textes. Cette réserve faite, on ne peut qu’adresser de sincères éloges à l’éditeur, car les publications de ce genre, toujours très dispendieuses, ne s’adressent qu’à un public restreint. En Angleterre, elles sont faites aux frais des amateurs riches, tandis qu’en France, où elles n’ont point ce puissant appui, elles deviennent souvent une très lourde charge pour ceux qui ont le courage de les entreprendre ; et à ce titre seul elles ont droit à l’indulgence de la critique.

MM. Guillemin de Currel, Dollet, Feriel, Bouillevaux, Marcel Richier, Pothier, Jolibois, A. Aufauvre et M. l’abbé Godard se sont particulièrement occupés du département de l’Aube et de la Haute-Marne. M. Aufauvre a donné un bon texte à l’Album monumental de l’Aube, dessiné et gravé à deux teintes par Ch. Fichot et on doit à M. Godard, professeur au séminaire de Langres, un