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aérienne formée de légères colonnes. Cette place s’appelait, comme à Téhéran, le Meïdan-i-Châh ou Place Royale ; la mosquée était celle de Matchit-Djûmah, et le pavillon appartenait au palais de Châh-Abbas. Nous étions dans le plus beau quartier d’Ispahan dans le quartier du roi, pour lequel Châh-Abbas et les autres princes de sa race ont prodigué l’or de la Perse en le mettant au service des plus splendides créations de l’art oriental.

De cette place, on passe sous la voûte d’un grand bazar où l’on travaille le cuivre qui sert à fabriquer toute la vaisselle de la ville. De passage en passage, de place en place et de rue en rue, nous arrivâmes ainsi à la superbe avenue appelée le Tchar-Bagh. Quatre rangées de platanes gigantesques, dont le tronc monstrueux portait majestueusement la tête en forme de parasol, ouvraient devant nous cinq allées larges et droites, qui s’étendaient littéralement à perte de vue. Dans celle du milieu s’encadrait un canal dont les eaux limpides se déversaient, de deux cents pas en deux cents pas, dans de grands bassins, et formaient ainsi une suite de gracieuses cascades. De chaque côté de ces bassins étaient des kiosques peints ou revêtus de faïence, et, entre les kiosques, d’immenses jardins montraient leurs arbres par-dessus les longs murs disposés en arcades qui fermaient l’avenue.

Au-delà du Tchar-Bagh, nous nous trouvâmes sur une longue et large chaussée comprise entre deux murailles. Nous nous croyions dans une nouvelle rue, lorsque des arcades ouvertes de distance en distance nous permirent de voir que nous étions sur un pont et que nous traversions le Zendèrôud, rivière qui borde Ispahan du côté du sud. À l’extrémité du pont, un corps d’infanterie était rangé en bataille. L’aspect de ces troupes, à l’uniforme moitié européen, moitié persan, étant très pittoresque. Elles nous présentèrent les armes quand nous passâmes devant leurs rangs, et les fanfares de leur musique un peu sauvage, mais d’un rhythme guerrier, se mêlèrent au bruit des tambours qui battaient aux champs. Devant nous se montraient quelques dômes à côté desquels des campaniles signalaient une ville chrétienne. C’était Djoulfâh, le faubourg qu’habitent les Arméniens. Après avoir traversé quelques champs où les eaux de la rivière entretiennent une culture variée, nous entrâmes dans le mâhallèh[1] chrétien, et nous descendîmes de cheval devant une assez belle maison, qui était destinée à l’ambassadeur.

Le gros de la multitude qui nous avait accueillis à notre entrée à Ispahan s’était peu à peu retiré. Nous n’avions plus avec nous que l’escorte officielle des gens du roi, dont le devoir était de nous accompagner jusqu’à notre demeure. Les mêmes civilités que nous avions

  1. Mahallèh, quartier.