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Le troisième fils de Lionel Cranfield Sackville, premier duc de Dorset, était né à Londres le 26 juin 1710. Filleul du roi George Ier, après de premières études à l’école de Westminster, où il se distingua surtout par son goût pour l’histoire d’Angleterre, il suivit en Irlande son père, nommé lord-lieutenant en 1730, et y finit avec éclat son éducation au collège de la Trinité de l’université de Dublin. Sa passion pour les classiques de l’antiquité le conduisit à admirer, à envier les caractères des héros d’Homère, et, dit-on, à rendre un culte au dieu de la vengeance, la vraie divinité de l’Iliade. À l’âge de vingt-un ans, il reçut une commission dans l’armée, accompagna son père dans un voyage en France, puis, comme lieutenant-colonel d’un régiment d’infanterie, il suivit George II dans le Hanovre, et se distingua à la bataille de Dettingen entre lord Granby et lord Townshend. Junius dit quelque part qu’il a servi sous le dernier.

Aide-de-camp du roi à la bataille de Fontenoy, lord George combattit sous le duc de Cumberland les Écossais rebelles, et, par ses blessures comme par ses services, il obtint à Culloden les louanges de son général, qui le fit nommer colonel. On sait avec quelle sévérité le vainqueur châtia les Écossais, et Junius parle d’eux avec le ton d’un ennemi, pendant qu’il parle de l’état-major du duc de Cumberland comme de la grande école de l’instruction militaire et des sentimens loyaux. Après avoir suivi son général sur le continent, dans les campagnes de 1747 et de 1748, il entra au parlement, s’y fit remarquer dans quelques discussions, et fut, en 1751, envoyé comme secrétaire de l’Irlande auprès de son père, qui y gouvernait encore. « C’est un homme d’un talent réel, d’une bravoure distinguée et d’une honorable éloquence, dit Horace Walpole, mais ardent, hautain, ambitieux et obstiné. » À la suite d’une querelle avec le parlement irlandais, sa famille quitta le pays, profondément blessée ; quant à lui, de retour en Angleterre, il s’éleva de plus en plus tant dans l’armée que dans le parlement. « Il montait peu à peu au premier rôle, dit encore Walpole. » Ses rapports avec les hommes principaux de la politique, et particulièrement avec M. Pitt, en faisaient un personnage très influent dont l’avis était compté dans tous les arrangemens ministériels. Il fut même, en 1757, au moment d’entrer comme secrétaire de la guerre, avec George Grenville comme chancelier de l’échiquier, et l’on sait qu’il resta constamment attaché à la politique de cet homme d’état. Dès-lors, il était membre du conseil privé et lieutenant-général de l’artillerie, sorte d’emploi politique qui associait au ministère. Le grand âge du maréchal Ligonier, son seul supérieur, le crédit dont il jouissait auprès de lui et des autres chefs de l’armée, semblaient le réserver à la plus haute fortune militaire ; mais Walpole ajoute que son naturel impétueux ne pouvait être gouverné.