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qui avait voulu sonder du regard les mystères de cette habitation, et dont le squelette servait d’avertissement contre les séductions des sens. Dans l’intérieur de l’enclos croissaient plusieurs beaux arbres, et l’on voyait appendues aux branches des têtes de mort et des mâchoires humaines en témoignage de la justice prompte et terrible du souverain de Dahomey. C’est à partir d’Alladah qu’on se sent bien véritablement entré sur le territoire de ce royaume soumis à la plus sombre terreur, où le bourreau frappe sans relâche, où le moindre délit est puni du dernier supplice. Dans toute l’étendue de cet état, l’image de la mort se présente à chaque pas : des monceaux de têtes séparées du tronc se dressent tout à coup devant les voyageurs au détour des chemins ; des crânes desséchés sont incrustés dans les murailles, et les clôtures des habitations royales ont pour fleurons de couronne les têtes sanglantes de victimes sacrifiées chaque nuit. On se demande comment un peuple peut supporter journellement le spectacle de ces hideux trophées, comment ce mélange odieux de la mort et de la vie ne le révolte pas et n’éveille pas en lui l’horreur naturelle de l’homme pour le néant Il faut que l’éducation l’ait singulièrement corrompu pour avoir étouffé dans son ame les sentimens les plus naturels, pour l’avoir familiarisé avec le renouvellement quotidien de scènes de destruction, que dis-je ? pour avoir excité en lui un monstrueux appétit de carnage. La cupidité seule a pu fermer ainsi le cœur humain à tout sentiment d’humanité, vicier tous ses instincts et l’amener à trouver une horrible jouissance dans la vue des tortures et des agonies. C’est une des terribles conséquences de la traite.

La route aux environs d’Abomey est bordée de maisons-fétiches, espèces de temples d’une religion qui n’a pas de credo bien positif et bien établi. A quels dieux sacrifient les habitans ? Le serpent boa que les prêtres dits feticheros nourrissent à Whydah, dans une enceinte sacrée, est à peine plus dieu que le léopard ou le tigre qu’on voit traverser paisiblement les villages, et qu’il est interdit de tuer sous peine d’amende. Le caïman, qu’on révère également au Dahomey, n’est pas précisément une idole. La véritable divinité de ce pays païen n’est pas personnifiée. Les indigènes sacrifient à la superstition et à la peur ; ils offrent en expiation à des ennemis imaginaires, espèces de génies malfaisans, les souffrances de leurs semblables. Ainsi la plupart des maisons-fétiches ne contiennent qu’un autel sans idole ; les dieux de ces temples, ce sont toutes les lâchetés, toutes les haines, toutes les cupidités auxquelles sacrifient les habitans. On voit appendus aux alentours des centaines de cadavres qui répandraient dans le pays la contagion, n’était la voracité des vautours et autres oiseaux de proie qui nettoient minutieusement les squelettes. C’est la police de salubrité du Dahomey, et nulle part services de ce genre ne peuvent être plus