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dont les bords, tout couverts de bois et propres à la culture, roulent l’or entraîné de la chaîne principale, et pourraient être aussi lucrativement exploités que le Tipuani, le seul auquel la spéculation se soit attachée jusqu’ici. Le Tipuani, qui n’est ni le plus considérable ni le plus fertile de ces cours d’eau, se jette dans le Mapiri, près du village de Guanay, qui donne son nom au fleuve jusqu’à sa jonction avec le Coroïco. C’est alors une masse d’eau imposante qui, sous la dénomination de Caca, roule, pendant quarante-cinq lieues, sur un fond de deux mètres de profondeur et de trois cents de largeur, et qui, après avoir reçu le Béni, dont elle prend le nom, va se réunir au Guaporé et former ainsi le Madeira, ce fleuve immense, qui n’est pourtant qu’une partie de l’Amazone, auquel tant d’espérances sont attachées pour la colonisation de l’intérieur de l’Amérique.

A soixante-huit lieues nord de la Paz et trente-huit de Sorata, sur les bords mêmes du Tipuani, s’élève le petit village de ce nom, bâti à proximité des travaux les plus importans. Peu de compagnies se sont livrées jusqu’à ce jour à la recherche de l’or; les capitaux affluent là où les bras abondent, où l’échange est facile, et surtout où les communications sont rapides. Dans ces pauvres pays favorisés du soleil, mais emprisonnés jusqu’ici et pour ainsi dire soustraits à l’œil de la spéculation, tout manque à la fois, les bras et l’argent. Un effroyable sentier qualifié de chemin met seul l’or de Tipuani en relation avec la Paz, où se fait le trafic. Ces magnifiques routes fluviales tracées par la main de Dieu comme les voies naturelles qui doivent faire pénétrer la civilisation de l’Europe au milieu des richesses de l’Amérique, ne sont jusqu’à ce jour que des horizons inconnus auxquels nul n’a osé confier sa fortune.

La famille Villamil, l’une des plus puissantes et des plus considérées de la Paz, possède quatorze travaux sur la rivière. Trois autres sont exploités par une compagnie de cinq associés, dont l’un est un charpentier anglais, nommé Witley, et deux autres d’une importance inférieure appartiennent à des gens du pays. Les travaux ont, dans leur ensemble, une étendue de quatorze lieues sur les deux rives.

L’or se trouve partout, sur le flanc des montagnes argileuses qui bordent la vallée comme au-dessous du lit de la rivière et dans les terrains d’alluvion, mais avec une plus remarquable abondance dans ces deux dernières dispositions de terrain. On prétend que, dans la chaîne de montagnes où ces cours d’eau prennent leur source, il existe des veines de quartz mêlé d’or; mais jusqu’ici nulle exploration méthodique n’a eu lieu, et le hasard seul a mis à nu les richesses enfouies. Il y a quelques années qu’une certaine quantité d’or fut extraite d’un morceau de rocher détaché de l’Illimani par la foudre. Une compagnie anglaise se présenta pour exploiter ce colosse des Cordillères, munie d’un capital en rapport avec la difficulté de l’entreprise; mais le nombre des ouvriers étrangers nécessaires aux travaux était si considérable, que l’opinion publique s’alarma de cette immigration comme d’une nouvelle conquête, et la concession fut refusée. Cependant quelques veines d’or sont connues : près de Sorata, les Indiens en travaillent une dans la montagne; à douze lieues de là, à Talacani, on exploitait, il y a trente ans, des veines d’or d’une grande richesse; les galeries se sont éboulées faute de boisage, et les travaux ont été