reine dans la bourgeoisie de Paris. » Cela servit seulement à secourir les libraires que connaissait Mirabeau.
Je pourrais aisément trouver dans la correspondance de M. de La Marck d’autres témoignages contre Mirabeau. Qu’en conclure, sinon que les anciens désordres de Mirabeau perçaient sans cesse à travers la nouvelle conduite qu’il voulait tenir, et que le nouvel homme avait toujours en lui beaucoup du vieil Adam ? Leçon instructive de voir comment, en dépit de ses bonnes intentions, en dépit de la grandeur que lui faisaient les circonstances, Mirabeau était sans cesse tiré en bas par les souvenirs et par les de sa première vie ; et ce n’était pas seulement à la chose publique que nuisait l’immoralité de sa jeunesse, comme il le disait avec un repentir plein de fierté, c’était à lui-même. Il ne trouvait pas seulement l’ancien Mirabeau dans les jugemens du monde contre lui, il le trouvait aussi en lui-même ; sans cesse il y retombait par habitude, et l’ancien Mirabeau luttait contre le nouveau dans son propre cœur : Il aurait fini par vaincre le public, s’il avait pu se vaincre lui-même.
J’ai dit ce qui me choquait dans le marché de Mirabeau avec la cour ; disons aussi ce qui l’excuse. La première excuse, celle que M. de La Marck ne songe même pas à faire valoir, parce qu’elle est tellement dans les idées du temps, que M. de La Marck ne croit pas que l’opinion puisse jamais changer à cet égard, c’est qu’un sujet pouvait toujours accepter les libéralités du roi. Les traditions féodales d’un part et les habitudes de cour de l’autre, aidées du penchant naturel du cœur humain, faisaient croire qu’on pouvait tout recevoir du roi. Sous l’empire, les généraux de Napoléon s’honoraient aussi de recevoir ses libéralités : c’étaient des récompenses et des encouragemens. C’est avec ces idées, que M. de La Marck proposa à Mirabeau de recevoir du roi un traitement comme récompense des conseils qu’il devait donner et des services qu’il devait rendre.
Voilà une excuse prise dans les idées d’alors ; en voici une autre qui se rapporte aux idées de notre temps. « Mirabeau, disait malicieusement M. de Lafayette, ne s’est jamais fait : payer que dans le sens de ses opinions. » Oui, Mirabeau a vendu ses services, cela est vrai ; mais il n’a pas vendu ses opinions. » Mirabeau voulait une monarchie constitutionnelle, une monarchie comme celle de l’Angleterre, et il n’a jamais varié sur ce point. Dès qu’il entre en relations avec la cour, il fait sa profession de foi. Dans la lettre qu’il écrit au roi le 10 mai 1790, il déclare hautement qu’il y a deux choses qu’il combattra énergiquement : « la contre-révolution, qu’il trouve dangereuse et criminelle, et le projet d’un gouvernement quelconque sans un chef revêtu du pouvoir nécessaire pour appliquer toute la force publique à l’exécution de la loi. » Ainsi Mirabeau ne trompe pas la cour et personne ne peut lui reprocher