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par ce procès-verbal que la jurade, c’est-à-dire le conseil municipal de Bordeaux, avait, pour diriger les mesures de police sanitaire, un médecin en chef qu’on payait 40 francs d’or chaque année, soit 4,500 francs de notre monnaie, et un médecin-adjoint dont le traitement s’élevait à 2,250 fr. En 1414, la place de médecin en chef étant devenue vacante, les magistrats bordelais la mirent au concours, et ils la confièrent, après des épreuves qu’ils jugèrent très brillantes, à un Allemand nommé Ram, qui avait donné, aux grands applaudissemens de ses juges, les définitions suivantes : « La médecine, révélée aux sages par Dieu même, est rendue grandement louche par la malignité de ceux qui en abusent. — Le corps humain ne saurait pas subsister, s’il était d’une matière dure et compacte comme le fer. — Le corps humain a besoin pour se soutenir du comfort des alimens, etc. »

La Collection des Documens français trouvés à Londres est une œuvre importante. On sait que Bréquigny reçut du gouvernement de Louis XV la mission de rechercher dans les archives de l’Angleterre les titres qui pouvaient intéresser la France. En 1767, ce savant lit connaître à l’Académie des Inscriptions le résultat de ses recherches : il avait fait copier douze mille pièces environ. A sa mort, il légua cette collection précieuse à son ami Du Theil qui, lui-même, en fit présent à la Bibliothèque nationale. Enfin, en 1834, l’un des conservateurs, M. Champollion-Figeac, fut chargé d’en publier les pièces les plus remarquables. Nous n’avons point à nous occuper ici de cette malencontreuse publication; nous rappellerons seulement que, sur les indications d’un savant anglais, sir Francis Palgrave, M. Jules Delpit se rendit à Londres, en 1842, avec une mission du ministère de l’instruction publique pour copier les documens qui avaient échappé aux personnes chargées des précédentes explorations. Après avoir visité la Tour de Londres, le Musée britannique, le State papers’s Office, il est revenu en France avec une ample moisson. Dans cette collection de documens trop peu connus de l’Angleterre comme de la France, nous avons remarqué surtout la partie relative au commerce. Toujours prévoyans et habiles quand il s’agissait de leurs intérêts, les habitans de Londres avaient passé des traités spéciaux avec plusieurs villes françaises pour assurer, dans tous les temps, y compris les temps de guerre, l’arrivage des denrées dont l’usage était commun en Angleterre. Dès le XIVe siècle, ils devançaient Robert Peel dans la théorie du pain à bon marché; ils nous donnaient, comme toujours, des leçons d’habileté administrative dont nous ne savions pas profiter, et M. Delpit dit avec raison qu’il serait impossible de développer une théorie commerciale plus large et plus habile que celle des marchands de Londres au XIVe siècle.

Sous le titre de : Histoire de la Gascogne depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours, M. l’abbé de Monlezun a donné un de ces livres complets qui rappellent la patience, l’exactitude des bénédictins, et qui embrassent l’ensemble d’une province : géographie, événemens militaires, organisation ecclésiastique, administrative, municipale, etc. La manière de M. de Monlezun est à la fois analytique et synthétique. Son style est simple, sans manquer cependant d’une certaine animation. Il marche sans cesse en s’appuyant sur des autorités irrécusables, et de nombreuses pièces justificatives ajoutent un nouveau prix à son travail[1]. Nous mentionnerons encore dans la Gascogne le volume

  1. Pour donner une idée de l’extrême légèreté qu’on apporte trop souvent à l’Académie des Inscriptions dans la distribution des prix et des médailles, il faut voir dans un rapport de M. Lenormant, lu à la dernière séance publique de cette Académie, ce qui a trait à M. l’abbé de Monlezun. Apres avoir dit que ce livre « eût pu paraître sans déshonneur parmi les concurrens au prix fondé par M. le baron Gobert, » c’est-à-dire au grand prix de 9,000 fr.; après en avoir fait le plus grand éloge, M. Lenormant, dans la même page, dit que « le poids de l’histoire est un peu lourd pour les épaules de M. l’abbé de Monlezun, » et la conclusion du rapport, c’est que M. de Monlezun, qui pourrait prétendre au prix de 9,000 fr., ne mérite pas une médaille de 500 francs. D’aussi étranges contradictions ne justifient que trop, il faut en convenir, l’esprit de défiance qui anime les érudits de province à l’égard des sociétés et des corps savans de la capitale.