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démocratique la plus avancée, et, chose remarquable, quand la démocratie élève la voix au milieu de ces comices, elle emprunte souvent l’organe de la noblesse. Nous citerons à l’appui de cette remarque l’allocution dans laquelle M. de Brosse, sous le règne de Louis XV, parle de l’impôt, qu’il appelle le sang du peuple, dans un style et avec des images qui annoncent déjà les plus fougueux tribuns de la révolution.

Dans un genre tout différent et plus accessible à la curiosité des lecteurs ordinaires, nous mentionnerons le travail de M. Mignard, intitulé Histoire des différens cultes, superstitions et pratiques mystérieuses d’une contrée bourguignonne. La partie relative au temple d’Apollon situé à Essarois (Côte-d’Or) est exactement traitée; mais nous ne pouvons accepter les conclusions auxquelles l’auteur est arrivé dans sa dissertation sur un coffret gothique, où il a cru reconnaître les symboles du gnosticisme. S’il est vrai que ces symboles existent, ce qu’il est assez difficile de déterminer, nous ne pensons pas, comme M. Mignard, qu’il faille en conclure que les doctrines gnostiques aient été importées en France par les templiers à la suite de leur séjour en Orient, et surtout qu’elles y soient devenues assez populaires pour marquer de leur empreinte des meubles d’un usage vulgaire. La première idée de cette initiation des templiers au gnosticisme appartient à M. de Hammer; mais il est prudent, jusqu’à plus ample information, d’en laisser la responsabilité au savant historien de l’empire ottoman.

Les Questions bourguignonnes de M. Roget de Belloguet nous ramènent à cette érudition positive qui marche en s’appuyant exclusivement sur des faits et des dates. Dans ce travail, fruit de longues études, et dans lequel règne une excellente critique, M. Roget de Belloguet s’est livré à de curieuses recherches sur l’origine des anciens Bourguignons, sur leurs migrations et les divers peuples des contrées qui ont porté leurs noms. Placé en présence d’assertions contradictoires, de textes obscurs ou incomplets, d’erreurs traditionnellement accréditées, l’auteur des Questions bourguignonnes a élucidé d’une façon remarquable un problème d’ethnographie qui intéresse vivement nos origines nationales; il discute, en remontant le plus possible aux documens contemporains, les diverses opinions émises avant lui. Il prouve qu’on s’est trompé souvent, et, distinguant dans la conclusion les faits positifs des faits probables, il établit d’une manière suivant nous péremptoire que les Bourguignons, qui habitaient originairement les contrées situées à l’embouchure de la Vistule, étaient, au Ier siècle de notre ère, un peuple germanique et vandale; qu’ils durent leur nom et leurs rois, les rois des Niebelungen, à une émigration Scandinave qui sortit de la Norvège et passa de l’île de Bornholm sur le continent germanique; enfin, qu’en affranchissant et en adoptant les esclaves d’origine latine qu’ils avaient enlevés dans leurs courses, ils reçurent dans le IVe siècle un élément romain qui leur fit attribuer par quelques auteurs une origine romaine. Partagés en deux tribus, l’une occidentale, souche des Bourguignons modernes, l’autre orientale, qui se fondit dans la nation des Huns, ils commencèrent, vers l’an 280, leurs courses dans les Gaules, se fixèrent sur les bords du Mein et de la Saale, derrière la forêt du Spessart, à peu de distance du Rhin, qu’ils atteignirent au commencement du Ve siècle. Une partie de la nation resta au-delà de ce fleuve et garda son paganisme; l’autre passa dans la Gaule en 407 et embrassa le christianisme peu de temps après. En 411,