C’est folie que de considérer les faits extérieurs isolément, de les séparer de l’homme, et de croire qu’on peut les modifier, les combiner d’une manière durable sans le concours de la conscience. Faites les meilleures lois de crédit : s’il n’y a pas probité chez les parties contractantes, votre combinaison échouera. M. Proudhon ne sait donc pas que, pour déranger et anéantir la combinaison artificielle la plus ingénieuse, il suffit d’un seul homme vicieux, et que les désordres partiels ne sont rien au contraire, lorsque la plus grande partie des consciences est saine. Dans le premier cas, il suffit d’un seul homme vicieux, d’un seul détail pour détruire tout le mécanisme; dans le second, le vice individuel est impuissant. Il m’est impossible de comprendre la société que rêvent les socialistes, car, comme elle consiste dans une certaine organisation mécanique, il est évident qu’elle serait détruite par chaque vol et chaque mensonge, et qu’il faudrait s’occuper de la refaire après chaque action vicieuse. Il en est de l’idée du contrat pour M. Proudhon comme de l’organisation des forces économiques. Cette idée qu’il a prise à Jurieu, un protestant, notez le point! se conçoit très bien, si l’on suppose une société pénétrée d’esprit religieux et des hommes obligés de par leur conscience à être sincères. Sinon, non.
Maintenant, si vous êtes convaincus qu’une croyance est absolument nécessaire, et que le vide de la conscience n’est pas précisément le meilleur préservatif des sociétés, adressez-vous à M. de Flotte : il a à votre service un dogme nouveau, lequel est le panthéisme. « Il faut choisir, écrit-il résolument, entre la donnée sociale de Grégoire VII et le dogme nouveau. » Quelle confusion de mots! C’est vous, monsieur, qui avez une donnée sociale, et c’est Grégoire VII qui avait un dogme. M. de Flotte, qui vient d’écrire un livre plein de politesse, mais plein de confusion et d’inexpérience, s’est-il bien rendu compte de ce que c’est que le panthéisme? S’il avait bien analysé ce système, il aurait vu que ce n’est ni un dogme ni une religion, mais uniquement une doctrine; qu’elle est le résultat d’une investigation désespérant de trouver l’union de la diversité et de l’unité, de comprendre les relations des êtres, leur point de contact et leur séparation, leur solidarité mutuelle et leur liberté individuelle. M. de Flotte a l’air de croire que ce dogme est contagieux; il a tort : le panthéisme ne sera jamais une doctrine faite pour les masses; elle est et restera éternellement la doctrine des grands esprits égarés qui n’ont plus la foi et qui peuvent se passer des lois humaines, parce que la méditation les a placés au-dessus d’elles. Où donc M. de Flotte voit-il les progrès de cette doctrine? Parmi ses coreligionnaires, je vois les progrès de l’athéisme, de l’incrédulité, mais non pas ceux du panthéisme. Si M. de Flotte est convaincu qu’une croyance est nécessaire à l’homme, qu’il cherche encore : peut-être finira-t-il par retourner à la donnée sociale de Grégoire VII. car c’est