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Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 12.djvu/229

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LES MOLUQUES


Sous la domination hollandaise,


SOUVENIRS D’UNE STATION DANS LES MERS DE L’INDO-CHINE.[1]




I.

La corvette qui avait reçu la mission de transporter en Chine le personnel du nouveau poste diplomatique créé à Canton était descendue des chantiers depuis six mois à peine; mais, avant même que la brise eût enflé ses voiles, cette noire et robuste carène inspirait déjà la confiance par l’aisance avec laquelle on la voyait se balancer sur ses ancres. Un heureux assemblage de force et de grâce faisait reconnaître, dans le nouveau navire qui allait montrer aux peuples de l’extrême Orient le pavillon de la France, un des plus nobles échantillons de notre architecture navale. Construite sur les plans d’un habile ingénieur, M. de Moras, la Bayonnaise semblait faite pour la navigation des mers orageuses dont elle devait affronter les périls. Elle portait sans fléchir vingt-huit canons obusiers et un équipage de deux cent quarante hommes; un tirant d’eau peu considérable lui ouvrait l’accès des mouillages qui eussent été fermés à une frégate; une mâture solidement assujettie à ses larges flancs lui permettait de défier sans crainte les grains et les rafales; sa marche supérieure lui promettait de lutter avec succès contre les vents contraires. Souple et docile comme un cheval de race, on éprouvait à la guider dans un détroit sinueux, ou à travers les embarras d’une rade encombrée de navires, je ne sais quelle secrète émotion de plaisir jaloux et de fierté satisfaite.

  1. Voyez la livraison du 1er septembre.