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repousser de concert les envahissemens des puissances européennes. Bientôt ces marchands se montrèrent avec des forces imposantes dans les mers de l’archipel indien. Les immenses profits qu’ils retiraient de leurs expéditions commerciales, ils les employèrent à équiper des escadres. Les Portugais, les Espagnols, les Anglais eux-mêmes, durent renoncer à leur disputer une prépondérance affermie par de nombreuses victoires. Ce fut alors que les Hollandais imposèrent aux sultans des Moluques la dure condition de ne plus commercer qu’avec eux et de faire détruire tous les arbres à épices qui croissaient ailleurs qu’à Banda et à Amboine. La domination de la compagnie, pendant plus d’un siècle, fut à peine ébranlée par quelques soulèvemens partiels, et lorsqu’après la paix de 1815 la Hollande rentra en possession des colonies qu’elle avait perdues pendant la guerre, elle trouva des princes dociles et des peuples indifférens tout disposés à reprendre leur ancien joug.

L’île d’Amboine se compose de deux péninsules montueuses, Hitou et Leytimor, qui convergent l’une vers l’autre et vont s’unir près de leur extrémité orientale par un isthme de sable dont la largeur ne dépasse pas sept cents mètres. Entre ces murailles de basalte renversées par un déchirement souterrain s’étend la vaste baie d’Amboine. L’ancre n’atteindrait pas le fond au milieu de ce canal : la profondeur de l’eau y est trop grande. Les aspérités des rives offrent seules quelques plateaux de peu d’étendue. C’est sur ces plateaux qu’il faut mouiller. Le meilleur mouillage, situé près de la côte méridionale, est commandé par le fort Vittoria, que les Portugais avaient bâti dans les premières années du XVIe siècle, et dont les Hollandais s’emparèrent en 1605. Ce fut sous les murs de ce fort que la Bayonnaise vint jeter l’ancre le 7 novembre, quatre jours après avoir quitté la baie de Batou-Guédé.

Les Hollandais attachaient jadis une importance extrême à éloigner les étrangers de leurs possessions coloniales, et surtout des ports des Moluques; mais, depuis cinquante ans, l’administration ombrageuse de la compagnie des Indes a fait place au gouvernement direct de l’état. L’île d’Amboine a cessé d’être le jardin des Hespérides. L’arrivée d’un bâtiment de guerre n’y est plus un sujet d’alarmes, mais une occasion avidement saisie de déployer dans tout son éclat la noble et gracieuse hospitalité des colonies néerlandaises. L’ancre touchait à peine le fond, nos voiles pendaient encore en festons sous les vergues, que déjà les officiers et les employés civils d’Amboine s’empressaient à bord de la Bayonnaise. Sur tous les points où s’était jusqu’alors arrêtée notre corvette, à Lisbonne, à Ténériffe, à Bahia, au cap de Bonne-Espérance, notre qualité d’étrangers avait suffi pour nous assurer une réception empressée et bienveillante. A Amboine, ce ne fut point comme