Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 12.djvu/24

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’un corps représentatif exclusivement charge de la confection de la loi et une royauté héréditaire pour faire exercer par un seul le pouvoir exécutif, tous les détails de la constitution ne sont plus que les conséquences de ces premières bases ; il ne faut pas même de grands efforts pour les trouver. Dans ce système, l’autorité royale est un des domaines du peuple et l’un des plus inexpugnables remparts qui doivent le protéger contre l’anarchie. C’est pour lui que l’on dote cette autorité, c’est lui que l’on blesse dans ses premiers droits lorsqu’on cherche à la renverser. Dans un tel gouvernement, le peuple délègue tous ses droits, il ne veut donc pas rester maître ; c’est par plusieurs délégués qu’il veut faire ses lois, c’est par un seul qu’il les veut faire exécuter. Aussi les législateurs de ce peuple le trompent, s’ils lui laissent une influence qu’un tel gouvernement ne peut pas comporter ; ils le trompent, s’ils fortifient le corps législatif aux dépens de la royauté, sous prétexte que ce corps plus rapproché de la nation est en apparence plus populaire ; ils le trompent encore, s’ils ne délèguent pas à la royauté tous les droits que l’impérieuse unité des pouvoirs nécessite à lui accorder ; si pour diminuer la force du pouvoir exécutif, ils en entravent la marche et livrent le royaume à des autorités opposées, à les tiraillemens perpétuels, s’ils veulent enfin combattre la royauté en admettant la royauté, la rendre graduellement, inutile, exagérer ses dangers et préparer par la constitution même une seconde révolution capable de bouleverser le royaume et d’opérer ou son démembrement ou le retour au despotisme. Tout ce que l’assemblée nationale a décrété dans ce sens est à abroger ; tout ce qu’elle a décrété conformément aux premières bases dont j’ai parlé est à conserver. »

Ainsi une royauté forte, mais une royauté qui procède de la révolution de 89, voilà la doctrine de Mirabeau, sa doctrine invariable et fondamentale, dont rien ne l’écarte, pas même ses passions et ses colères. Et voyez comme il met bien le doit sur la véritable plaie de la constitution de 1791, cette constitution qui veut, dit-elle, une royauté, et qui est préparée pour la république, ou plutôt pour l’anarchie, par l’abaissement systématique du pouvoir exécutif ! Cet affaiblissement du pouvoir exécutif a deux causes : la sottise et l’aveuglement du grand nombre, l’intrigue de quelques uns. Mirabeau dévoile hardiment l’une et l’autre. « Je sais, dit-il, que les législateurs de la constitution, consultant les craintes du moment plutôt que l’avenir, hésitant entre le pouvoir royal, dont ils redoutent l’influence, et les formes républicaines, dont ils prévoient le danger, craignant même que le roi ne déserte sa haute magistrature ou ne veuille reconquérir la plénitude de son autorité ; je sais qu’au milieu de cette perplexité, les législateurs n’ont formé en quelque sorte l’édifice de la constitution qu’avec des pierres d’attente, n’ont mis nulle part. la clé de la voûte et ont eu