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m’attiraient, que le temps m’aurait fait résoudre, et sur lesquels je suis demeuré depuis sans solution. » Il aimait aussi ces jeunes auditeurs que lui envoyait l’Ecole normale, dont l’esprit était si ouvert et si curieux, élèves bien dignes d’apprécier un pareil maître, les Cousin, les Patin, les Loyson, etc., qu’il appelait les princes de la jeunesse, et qui depuis se sont tous illustrés. Lorsqu’après l’élection que lui conférèrent sept départemens à la fois, il devint président de la chambre, il accueillait avec joie dans le palais de la présidence ces élèves de l’École normale, et les montrait à la foule qui l’entourait. « Ils sont ici chez eux, » s’écriait-il presque avec un accent de tendresse, et la gravité habituelle de ses manières rendait plus sensibles encore ces éclats de son affection. Les événemens de 1814 vinrent enlever M. Royer-Collard à l’enseignement; ce fut à celui de ces jeunes disciples[1] dont le style rappelait le mieux la force et l’élévation de celui du maître, qu’il remit l’héritage de ses fonctions et les destinées de la philosophie.


III.

La royauté rétablie trouva dans M. Royer-Collard un partisan déjà ancien, que recommandait la correspondance qu’il avait entretenue avec le roi par l’intermédiaire de l’abbé André et de l’abbé de Montesquieu. Ce dernier étant devenu ministre de l’intérieur, M. Royer-Collard fut placé auprès de lui comme directeur de l’imprimerie et de la librairie. Pendant le cours de la première restauration, il soutint de ses conseils M. de Montesquiou, et commença à lutter contre les exigences du parti de l’émigration. On aperçut l’influence de ce parti dans la formation de la maison militaire du roi, dans quelques prétentions de la noblesse et du clergé. M. Royer-Collard sentit le souffle de l’esprit ancien dans une tentative qui fut faite auprès de lui-même : on lui offrit des lettres de noblesse, comme si un titre suranné pouvait donner à son nom plus de valeur que le mérite de celui qui le portait. « Dites au ministre, répondit-il, que j’ai assez de dévouement pour oublier cette impertinence. »

Le retour de Napoléon le dépouilla de ses fonctions de directeur de l’imprimerie. Il avait conservé son titre de professeur et de doyen de la Faculté des lettres. Il signa en cette qualité l’acte additionnel aux constitutions de l’empire, et, un journal ayant avancé que M. Royer-Collard avait prononcé un discours à ce sujet, il écrivit pour donner un démenti, qui, en de pareilles circonstances, était un acte déloyauté et de courage.

La seconde restauration le trouva peu empressé. « Comment choisir, s’écria-t-il, entre le despotisme de Napoléon et le gouvernement de ces

  1. M. Cousin.