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voudrais pas lui désobéir, et cependant je ne puis accepter une pension sur le sceau, en considération de mes services. J’ai été pendant six années, au péril continuel de ma vie, le serviteur principal du roi de France et son conseiller assidu. Depuis la restauration jusqu’à ces derniers temps, j’ai exercé de hautes fonctions, peut-être les plus délicates et les plus difficiles de l’administration. Le traitement public de conseiller d’état était dans une analogie parfaite avec des services de cette nature : c’était la récompense qui m’avait été assignée par la bonté du roi; elle comblait, vous le savez, toutes mes ambitions. Il se rencontre aujourd’hui des ministres qui me la reprennent : je n’ai rien à dire; mais je ne crois pas que je sois obligé d’accepter en échange d’un traitement public, et comme une juste indemnité, un traitement secret sur des fonds secrets. J’abaisserais mon caractère de député; je dégraderais de ma propre main les services que vous rappelez; j’aime mieux qu’ils soient oubliés. Il n’y a point de faste dans ce refus; il m’est dicté par une répugnance invincible et pour ma seule défense. Personne n’est plus que vous en état de le faire agréer au roi par une interprétation équitable : je vous demande ce bon office. Vous me dites que sa majesté compte sur moi : elle rend justice à mes sentimens. Une disgrâce honorable, encourue pour son service, est un attrait de plus pour ma fidélité. »

Bientôt le contre-coup de l’assassinat du duc de Berry renversait le ministère, et M. de Richelieu prenait pour la seconde fois la direction de la politique. Il se faisait un mouvement plus prononcé de réaction contre les idées libérales, et il semblait, comme le disait un membre de l’opposition, qu’on voulût ensevelir dans le tombeau du prince les libertés du pays. L’opposition de droite aspirait toujours à augmenter le nombre de ses adhérens dans la chambre, et elle voulait ou concentrer les élections dans les chefs-lieux d’arrondissement, ou ne laisser voter aux chefs-lieux des départemens que les citoyens les plus imposés. M. Royer-Collard, persévérant dans la nouvelle tactique qu’il avait prise depuis la dispersion de la majorité de 1816, réclama le droit de la nation à être représentée dans le gouvernement et revendiqua l’égalité pour tous les électeurs. « Une société nouvelle, dit-il, est instituée sur la base de l’égalité. La liberté française, toutes nos libertés, même la liberté de conscience, c’est l’égalité. Là où il n’y a pas de distinctions hiérarchiques, dans la rigueur du droit, tous sont éligibles, tous sont électeurs, à moins qu’ils ne soient jugés actuellement incapables de l’être. La loi fondamentale n’a pas à reconnaître la capacité, mais à déclarer l’incapacité; quiconque n’est pas exclu est appelé.... Les incapacités déclarées par la charte ne sont ni personnelles ni définitives; elles ne sont que suspensives et temporaires.... Croyez-vous qu’il y ait de l’aristocratie dans notre division de la propriété? En ce cas, elle