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la faction à laquelle il s’opposait, loin de diminuer le pouvoir royal, voulait au contraire l’agrandir, persuadée qu’elle en recueillerait les premières faveurs et les plus solides bénéfices : il donna donc, dans le même discours, des raisons plus sincères; il dit que la loi proposée était un moyen de faire tomber sans bruit les élections annuelles, que par l’élection seulement la nation intervenait régulièrement dans les affaires publiques et y faisait ressentir sa juste influence, que plus ce droit est exercé, plus il est possédé; que l’élection annuelle était une garantie nécessaire aux institutions nouvelles, que le gouvernement représentatif ne résisterait pas à la désuétude, que par le fait on allait suspendre les élections pendant sept ans et tâcher de déshabituer le pays des élections et de la charte, pour voir ensuite ce qu’on aurait à faire. La vaine évocation de la république montrée derrière le renouvellement intégral n’était pas de nature à effrayer le parti de la contre-révolution, qui savait bien quel usage il voulait faire de la septennalité. Les dernières raisons prises du droit de la nation étaient moins propres encore à le faire reculer. Il passa outre comme pour la guerre d’Espagne, et il assura par la nouvelle loi la durée du ministère qui, malheureusement, acheva de ruiner la dynastie dans l’opinion de la France.

Le ministère consomma cette ruine par le projet de loi sur le sacrilège. Il y avait des peines dans nos codes contre ceux qui auraient outragé les objets ou les ministres d’un culte[1]. On voulait davantage, on voulait non-seulement augmenter la peine, et, par exemple, couper le poing au coupable, mais forcer la loi à faire profession de la religion catholique et à nommer sacrilèges les outrages qui seraient adressés à cette religion. On voulait, selon l’expression de M. Royer-Collard, que cette religion tout entière fût tenue pour vraie et les autres pour fausses, qu’elle fit partie de la constitution de l’état et de là se répandît dans les institutions politiques et civiles, ou autrement, disait-on, l’état professe l’indifférence religieuse, il exclut Dieu de ses lois, il est athée. M. Royer-Collard prononça sur ce sujet, le 12 avril 1825, son discours le plus éloquent, celui qu’il préférait lui-même à tous les autres. Il y montra que la loi ne pouvait punir la profanation des hosties consacrées sans professer le dogme de la présence réelle, sans adopter un culte de préférence à tous les autres. « Les gouvernemens, dit-il, sont-ils les successeurs des apôtres et peuvent-ils dire comme eux : Il a semblé bon au Saint-Esprit et à nous ? S’ils ne l’oseraient, et sans doute ils ne l’oseraient, ils ne sont pas les dépositaires de la foi, et ils n’ont pas reçu d’en haut la mission de déclarer ce qui est vrai en matière de religion et ce qui ne l’est pas. »

  1. Code pénal, art. 260-263.