peuvent offrir ces expéditions périlleuses, on ne saurait contester qu’il n’y ait un grand charme à visiter les côtes de l’Espagne, de l’Italie, à se rendre en Grèce, en Turquie, dans la Terre-Sainte, comme maître absolu d’une de ces petites maisons flottantes, d’un de ces jolis navires si lestes, si coquets, si bien et si abondamment pourvus de tout ce que comporte la vie la plus comfortable et la plus élégante, toujours sûrs d’ailleurs de trouver partout de bons mouillages proportionnés à leurs dimensions, quand il ne leur convient plus de tenir la mer, qu’ils ne craignent jamais.
Quand je suis débarqué à Cowes cette année, il n’y était question que d’un schooner mystérieux, récemment arrivé des États-Unis, qui était doué, disait-on, d’une étonnante vitesse. Son propriétaire, le Commodore Stephens, parfait gentleman d’ailleurs, avait déclaré qu’il engageait son America contre n’importe quel bâtiment à voile que ce fût, pour telle distance et telle somme qui lui serait proposée; et, pour fixer les idées, il indiquait la bagatelle de 10,000 livres sterling (250,000 fr.) comme enjeu. Il y avait près de quinze jours que le défi du commodore Stephens avait été articulé devant le Royal-yacht-Squadron, et le Royal-yacht-Squadron faisait la sourde oreille ; pas un membre des yacht-clubs les plus renommés de l’Angleterre, qui s’étaient donné rendez-vous à Cowes cette année, n’osait relever le gant du redoutable étranger. Les vieux marins se couvraient la tête et juraient que le Yankee pouvait rendre des points au fantastique Flying Dutchman. «Il y a quelques jours, me disait un de ces vieux loups de mer, à la manière dont l’America a doublé et dépassé les meilleurs voiliers de la rade qui s’essayaient dans les eaux de Ryde, il faut que le diable s’en mêle; le schooner, monsieur, n’avait pas seulement daigné hisser son foc, quand nos clippers[1] étaient couverts de toile ! — Il a une hélice en-dessous, c’est bien sûr, » ajoutait un homme du peuple, car à Cowes tout le monde est marin ou digne de l’être. — Quoi qu’il en soit, les têtes se montaient, et, au milieu de toute cette foule élégante qu’attiraient les fêtes des régates, on ne parlait plus que du Flying stranger[2] ; c’est le nom qu’on donnait à la goélette de New-York. Impossible d’engager le plus petit pari, tant la terreur était grande!
Cependant on touchait au 21 août : c’était le jour où les yachts devaient se disputer la coupe de cent guinées, prix offert par le club aux schooners et cutters de tous tonnages et de tous pays, portant les six