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procurent sur leur propre sol des chargemens nombreux et réguliers; en France, les vins seuls peuvent être considérés comme produits encombrans, et on sait que la consommation des vins, frappée partout de droits fiscaux, est très restreinte à l’étranger. En outre, il faut bien le dire, depuis la fin du siècle dernier, les marines rivales ont singulièrement mis à profit les crises politiques, les révolutions que nous avons dû traverser; elles se sont fortifiées de notre faiblesse, enrichies de notre ruine; elles ont ainsi accaparé des transports et une clientelle que la disparition momentanée de notre pavillon ne nous permettait plus de partager. On comprend que, dans de pareilles circonstances et sous l’influence de ces faits, nous nous trouvions, aujourd’hui encore, distancés par une concurrence plus heureuse. Nous payons chèrement les fautes du passé.

Si donc nous étions absolument maîtres de régler, comme il nous convient, notre législation maritime, si nous n’avions à tenir compte que de notre situation, il semble que la prudence conseillerait de conserver, dans ses dispositions fondamentales, le système qui nous régit. Malheureusement nous ne jouissons plus de notre libre arbitre. Il y a entre les intérêts matériels des grandes nations une solidarité étroite à laquelle il est impossible de se soustraire. Nous avons eu occasion de rappeler comment l’Angleterre, si puissante cependant, avait dû céder aux États-Unis en 1815, à la Prusse en 1824, et subir la réciprocité que ces deux pays lui imposèrent pour le traitement des navires dans l’intercourse de la navigation directe. Peut-être ce même principe de réciprocité, appliqué à la navigation indirecte, est-il destiné à devenir la loi commune. Nous serions alors tenus de nous y soumettre à notre tour, sous peine de demeurer dans l’isolement et de nous placer en quelque sorte au ban de tous les peuples maritimes. C’est une éventualité qu’il faut prévoir, et à laquelle il convient que nous nous préparions sans retard.

Quels sont dès-lors les moyens de nous armer pour la concurrence dont l’avenir nous menace dans les diverses branches de l’intercourse ? Nous avons à lutter contre des rivaux qui construisent leurs navires au plus bas prix, qui naviguent économiquement, et qui possèdent de nombreux élémens de fret. Ne pouvons-nous, à ce triple point de vue, nous rapprocher d’eux, sinon les atteindre du premier coup? — pour les constructions, la cherté des matériaux que nous empruntons à l’étranger est augmentée par les droits de douane qui frappent le fer, le cuivre, le chanvre, etc. La plupart des nations admettent en franchise les matières nécessaires aux constructions navales. Il nous serait facile de les imiter. Cette proposition n’est pas nouvelle; le gouvernement l’avait émise dans un projet de loi de douane présente, en 1847, à la chambre des députés. — En second lieu, les frais de la navigation