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prétendaient se lancer dans des voies inexplorées, retombaient à leur façon dans l’esprit de système, que. depuis les conquêtes de la renaissance on aurait pu croire anéanti. Un goût arbitraire, une méthode conventionnelle, reprenaient leur empire comme au temps des écoles primitives, et, bien que les formes fussent loin d’être les mêmes, elles n’en trahissaient pas moins l’indigence du fond et l’asservissement de la pensée. Plus de nouveautés originales, plus d’efforts inspirés. A peine la puissante génération des grands maîtres a-t-elle disparu, que celle qui lui succède semble prendre à tâche de méconnaître tant de nobles leçons pour se jeter dans le factice sous prétexte de fécondité, et donner l’exemple, qui devait être si universellement suivi, de l’irréflexion et du caprice. Dans le duché d’Urbin, comme partout en Italie, l’art ne fut bientôt plus que l’expression, sinon l’accessoire, du luxe. Les artistes, transformant leurs ateliers en manufactures. se mirent à fabriquer à la hâte, comme pièces d’ameublement, des tableaux religieux ou historiques auxquels l’uniformité du caractère ôtait toute signification morale et qu’on pouvait suspendre indistinctement aux murs des églises ou des palais. Par voie de transaction et d’échange, l’architecture et la sculpture accommodèrent les monumens à la destination indécise que la peinture venait de leur donner. On altérait les proportions et surtout le sentiment de la construction primitive pour plaquer çà et là des ornemens de fantaisie qui n’avaient d’autre raison d’être que le mépris des principes et du bon sens. Tous les arts dépérissaient, usés par cette fièvre de production qui s’était emparée de quiconque avait en main un ciseau ou une palette. Encore quelques années, et, après avoir repris une apparence de vie sous l’influence du régime expectant des Carrache, ils allaient mourir des remèdes imposés tour à tour par les naturalistes, disciples de Caravage, et les idéalistes de l’école du chevalier d’Arpin.

Rien n’autorise à penser que Guidobaldo ait compris l’imminence du danger, ni qu’il ait cherché à arrêter dans ses états les progrès de la contagion : il semble au contraire qu’il ait eu à cœur de les hâter. On le voit, il est vrai, recevoir Titien avec de grands honneurs et lui donner une escorte qui l’accompagnera jusqu’au terme de son voyage; mais il fait à peu près le même accueil à Taddeo Zuccaro. quand celui-ci revient importer dans sa patrie ce goût déplorable et cette manie de la facilité qu’il était allé puiser à Rome. Frédéric Zuccaro, dont le style est plus lâche encore, hérite de la faveur accordée à son frère et prélude, par ses innombrables tableaux improvisés à Pesaro et à Urbin, aux grossières peintures qui profaneront la coupole de la cathédrale de Florence. Enfin le Baroccio. c’est tout dire, fut le peintre privilégié de Guidobaldo et de son fils. En comblant de bienfaits et de distinctions de toute sorte l’auteur de tant d’œuvres énervées, de ces