s’opérer qu’au prix de nombreux sacrifices imposés aux provinces du nord. Contre les vœux de ces dernières, qui réclamaient la liberté commerciale, un système fort compliqué de douanes fut établi pour protéger l’industrie belge naissante ; un vaste débouché lui fut assuré dans les colonies hollandaises, ou elle ne rencontrait aucune concurrence. Les capitaux d’Amsterdam vinrent alimenter les fabriques de Gand et de Bruges. Le roi créa, en 1824, la Société de commerce néerlandaise, avec la mission d’encourager l’industrie nationale. Sous l’influente de cette société, dont le roi se fit le principal actionnaire, on vit se multiplier des établissemens utiles. Le port d’Anvers, où Napoléon avait creusé des bassins gigantesques, retrouva une prospérité qui rappelait ses anciens jours il s’agrandit aux dépens de Rotterdam et d’Amsterdam. La vie et le mouvement se communiquèrent bientôt aux autres parties de la Belgique. Bruges et Gand virent renaître ces temps glorieux du XVe siècle, où elles étaient les premières villes industrielles du Nord. Après quinze ans d’efforts, Guillaume, profondément versé dans la science économique, était parvenu à faire partager à son royaume, et surtout aux provinces belges ce goût des vastes spéculations qui l’animait lui-même, et, de l’aveu des adversaires de ce prince, la Belgique n’avait jamais joui d’une prospérité plus complète que depuis sa réunion à la Hollande.
Cette prospérité provoqua malheureusement chez le roi Guillaume un excès de confiance dans l’efficacité de sa politique de fusion, et le prince qui réussissait si bien à rétablir l’industrie, à fonder l’unité matérielle des deux pays sur des avantages communs, entreprit une tâche plus ardue, celle de créer leur unité administrative et politique. Ici Guillaume se heurta contre des difficultés, contre des obstacles insurmontables. Il crut que la prospérité industrielle de la Belgique lui garantissait son attachement : il se trompait. Les peuplés oublient vite les services rendus à leur industrie, à leur commerce, quand ils se croient blessés dans leurs idées et quand ils sont travaillés par l’esprit d’agitation. Le roi, de son côté, se rappelait trop volontiers peut-être que la Belgique lui avait été cédée à titre onéreux, et sans être despote, sans être porté à des mesures violentes, il fut amené par l’attitude des provinces belges à modifier promptement les dispositions conciliantes qu’il avait d’abord manifestées.
L’introduction en Belgique d’une constitution destinée dans le principe à la Hollande seule souleva déjà des réclamations. Cette introduction s’opéra d’une façon peu régulière. Les notables furent convoqués à Bruxelles pour voter l’adoption de la loi fondamentale[1]. Sur 1323 notables qui avaient comparu, 527 votèrent pour l’adoption,
- ↑ C’est le nom donné à la charte néerlandaise.