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bouts de cette conversation édifiante; on fait les demandes et les réponses. L’assemblée n’existe déjà plus au compte de ces hardis entrepreneurs de solutions politiques, qui se servent si volontiers d’interlocuteurs à eux-mêmes, parce qu’ils croient être sans doute en une seule et même personne et le pays et le pouvoir. Entre le pays et eux, ils ne tolèrent plus d’intermédiaires trop gênans; ils veulent causer face à face avec le pays. Le pays leur a dit son secret, nous ignorons comment : ils vont lui révéler le secret du pouvoir.

Le secret du pays, c’est qu’il entend absolument qu’on le délivre « du personnel parasite de tribuns, de bavards et de factieux qui s’interposent sans cesse entre le pouvoir et les populations. » — « Les avocats à la rivière! » s’écriait le brave Augereau en courant à Saint-Cloud, et ces choses-là vraiment se diront toujours mieux avec l’épée à la main qu’avec la plume entre les doigts; car autrement de ce qu’on les dit, il ne s’ensuit pas qu’on les fasse, et l’on ne gagnera jamais à les dire sans les faire. Il est vrai que c’est le pays lui-même, selon ses officieux interprètes, qui commanderait l’exécution. Le pays, las de la race parlementaire, montre incontestablement plus de bon sens et de patriotisme que ses législateurs; il ne souffrira pas plus long-temps que le grand club d’en haut crée par imitation une arène nouvelle dans chaque cabaret de village. Le dernier mot, le vœu du pays, c’est qu’on applique au palais Bourbon l’état de siège dont on a frappé les départemens de la Nièvre et au Cher. Puisque « c’est d’en haut que viennent les maux qu’on est aujourd’hui forcé de réprimer en bas, » pourquoi ne pas traiter les grands émeutiers comme on a traité les petits? « Ce régime prompt, sommaire, résolu, expéditif, serait tout-à-fait nécessaire là-bas, et il ne serait pas un peu utile partout ! » Vraiment, il doit l’être. « Il y a dix ans peut-être, les préjugés l’évolutionnaires encore vivaces se seraient opposés à cette réforme salutaire; aujourd’hui tout est changé. » Pourquoi donc ne pas profiter de l’universelle horreur qu’inspire l’agitation, «de la popularité de l’uniforme et du sabre, pour faire comprendre aux hommes politiques attardés dans les voies parlementaires que le régime des phrases est à bout? »

Après cela, comme on est bon prince, ils sont libres de le comprendre tout seuls et de s’en aller en paix, de donner à propos leur démission plutôt que de la recevoir. Les Montmorency ont bien abdiqué dans la nuit du 4 août; les hauts et puissans seigneurs de la féodalité parlementaire, les barons bourgeois d’à présent, barons le plus grand nombre par l’intrigue, ne seraient pas si mal avisés de copier à temps ce chapitre-là dans l’histoire des Montmorency, et d’avoir enfin leur nuit du 4 août. « Avec quelle faveur une nouvelle nuit du 4 août ne serait-elle pas accueillie par les populations! »

Ainsi donc plus de ministère qui compte, plus d’assemblée du tout; le président seul sur un piédestal vis-à-vis de la France: voilà le thème de ces belles déclamations qui circulent dans les entourages du pouvoir exécutif, et qui, pour son bien, n’en devraient pas sortir aussi témérairement qu’elles en sortent. Nous ne doutons pas que ces grands artisans de beau style n’affectent toujours une attache plus officielle que celle qu’on leur accorde. Le moyen d’assurer à leurs élucubrations l’importance qu’ils ambitionnent et d’insinuer au public le respect de la vanité dont ils sont bouffis, s’ils n’avaient toujours l’air de tenir à quelqu’un de marque et d’accaparer pour leurs indiscrètes convenances