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la commotion de 1848 l’a trouvée avec un revenu insuffisant, une mauvaise ordonnance de l’impôt et un papier décrié. L’énergique habileté du cabinet autrichien a pu parer aux difficultés nouvelles du milieu même de tant de difficultés anciennes; mais il a fallu, pour avoir le moyen de marcher, émettre encore ce laborieux emprunt des 200 millions, et jusqu’à présent, malgré les efforts du ministère des finances et des banquiers de Vienne, il n’y a pas beaucoup plus de la moitié de ce chiffre qui ait été souscrite.

Il y a plus d’une conclusion à tirer de cet aperçu sommaire de la dette européenne : c’est d’abord que le crédit, si malaisément qu’il se prête, se prête toujours plus ou moins et ne se décourage jamais entièrement. Cette commodité de pouvoir emprunter toujours est une des illusions auxquelles les gouvernemens sont le plus tentés de céder, parce qu’elle donne un air de force et d’avenir. Si le crédit se prête cependant, c’est bien le moins qu’il se paie. Lorsqu’on en use pour faire face aux nécessités d’une guerre extérieure, on peut encore compter sur les éventualités mêmes de la guerre pour se liquider; mais lorsqu’il doit servir, comme aujourd’hui, à remédier aux difficultés intérieures, on s’habitue trop naturellement à emprunter sans se préoccuper assez de rendre, ou l’on rend à la main droite en empruntant de la main gauche. Dût-on recourir à des prêteurs de plus en plus exigeans, on n’est jamais absolument à court, grâce au mouvement et à la distribution du capital européen. C’est cette facilité même qui séduit et qui trompe, parce qu’elle aide à dissimuler le poids de plus en plus lourd qu’elle ajoute aux charges publiques. On se dit qu’on crée des garanties de bon ordre et d’activité publique au moyen de l’emprunt, et l’on oublie que l’équilibre des budgets serait à lui seul la meilleure de toutes les garanties, si l’on savait l’établir par des expédiens moins factices. Le malheur est que cette science n’est ni du domaine de tous les hommes d’état ni de mise dans toutes les circonstances.

L’Angleterre a été exceptionnellement favorisée lorsque le génie de sir Robert Peel et la prospérité des années antérieures à 1848 lui ont ouvert la carrière des réformes fiscales, qui rétablissent maintenant ses finances à vue d’œil. Le troisième trimestre de l’année 1851, pour lequel on a publié dernièrement le tableau officiel du produit net des recettes, dépasse encore de beaucoup le trimestre correspondant en 1850. Le progrès n’est pas seulement de 1851 sur 1850, il est d’un trimestre sur l’autre dans la même année. Nonobstant les réductions qui depuis l’année dernière ont diminué le droit à l’importation sur les sucres, les cafés et les bois, les douanes ont encore produit 83,190 livres de plus qu’à la même époque de l’année précédente. Durant le trimestre correspondant de 1850, l’excise avait pour la dernière fois perçu le droit sur les briques; l’excise n’en rapporte pas moins en octobre 1851 une augmentation de 36,511 livres. On avait calculé que la réduction des droits de timbre vaudrait au trésor une perte de 500,000 liv. sterl. par an; la perte n’étant pour ce trimestre que de 74,000, il y a sujet d’y voir une augmentation de produit plutôt qu’un déchet. Bref, l’accroissement total de ce trimestre sur celui de l’autre année est de 124,646 livres, et l’accroissement des douze mois pleins terminés au 10 octobre 1851, par rapport aux douze mois terminés en octobre 1850, est de 235,972 liv. Nous enregistrons soigneusement ces chiffres significatifs; peut-être finira-t-on par comprendre en France la leçon qu’ils nous donnent.