Bouchir est d’ailleurs un fort mauvais port. La plage est fort basse, les sables qui la forment s’avancent très loin dans la mer, et retiennent les navires éloignés de la côte. Il en résulte qu’ils doivent rester au large, sans abri, et qu’au moindre coup de vent ils sont obligés de lever l’ancre. Il n’y a que les barques arabes appelées bagalo ou battil qui puissent arriver près du quai. C’est, au reste, par ces bâtiments légers et d’un faible tonnage que se fait presque exclusivement le commerce de Bouchir avec Bassorah, Bombay ou Mascate. Ces barques sont pontées ; elles ont, à l’arrière, une chambre pour le patron, et ne portent qu’une voile très grande attachée à une vergue démesurément longue. Elles naviguent lourdement, mais assez sûrement, en raison de l’excessive prudence des marins du golfe. Ceux-ci ne s’éloignent jamais de terre, et quand ils pressentent un temps un peu gros, ou ils ne partent pas, ou ils l’évitent en se réfugiant dans quelque crique. Ces bâtiments varient de capacité, depuis 100 jusqu’à 30 ronneaux. Un certain nombre portent le pavillon anglais. Parmi ceux qui font le cabotage de cette petite mer, huit à dix appartiennent à des négocians de la ville. C’est avec cette faible marine qu’ils trafiquent dans le golfe et jusque dans la mer des Indes. Ils se chargent également de porter des passagers, notamment à Bassorah, où se réunissent annuellement un assez grand nombre de pèlerins persans et indiens qui de là se rendent à la Mecque. Tous ces hadjis qui vont et viennent ne laissent pas de donner quelque mouvement à Bouchir. Il y a sur cette côte d’autres petits ports ; mais le seul qui mérite ce nom est celui de Bender-Rick, au nord du précédent.
Cinq à six bâtiments marchands anglais viennent annuellement dans ces parages. Des navires de guerre de la même nation s’y montrent également de temps en temps. L’apparition du pavillon français y est des plus rares. Il faut dire qu’à Bouchir les transactions commerciales sont très restreintes. Les Anglais ont dans ce port le monopole du commerce d’importation, alimenté par les articles de leurs manufactures. Le commerce d’exportation consiste principalement en denrées qui sont à l’usage des Orientaux, telles que du tabac pour kalioùn, appelé tomheki, que Chiraz produit en abondance, des tapis, des étoffes de soie ou de laine de Kermàn et de Yezd, des cotonnades fabriquées à Ispahan et à Kachàn. Si l’on ajoute à cela quelques centaines de chevaux envoyés aux Indes, des armes de toute espèce, une assez forte quantité de vin de Chiraz également porté à Bombay, avec de la soie et quelques drogues, on a un aperçu des principaux élémens du négoce qui prête un peu de vie au port de Bender-Bouchir. Tout cela n’est pas de nature à créer un mouvement suffisant pour attirer la marine européenne. Quant à la traite des noirs, qui est une des principales branches de commerce de cette côte, elle ne peut se faire que par les