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Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 12.djvu/652

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Alexandrovitch. » Faites-moi la grâce, messieurs, si vous venez à Pétersbourg, je vous en prie, venez chez moi. Je donne aussi des bals.

« Anna. — Je suis sûre que vos bals sont charmans et d’un goût exquis.

« Khlestakof. — Oh ! tout simples ; il ne faut pas en parler. Sur la table, par exemple, un melon d’eau… — un melon d’eau de six cents roubles. — On m’envoie la soupe dans une casserole, de Paris, par le chemin de fer. On lève le couvercle… une vapeur !… il n’y a rien de semblable au monde. Je vais au bal tous les jours, et puis nous faisons notre whist, le ministre des affaires étrangères, l’ambassadeur de France, l’ambassadeur d’Allemagne et moi, et là, alors, nous nous exterminons… on ne s’en fait pas une idée… on revient éreinté… On grimpe à son quatrième étage, on n’a que la force de dire à sa bonne : Voyons, Mavrouchka, ma robe de chambre… Qu’est-ce que je dis donc… j’oubliais que je demeure au premier… J’ai un escalier chez moi qui….. C’est une curiosité de venir dans mon antichambre, quand je me lève. Des comtes, des princes sont là à s’étouffer… On dirait des bourdons… on n’entend que brr, brr, brr… Une fois le ministre… (le gouverneur et les employés se lèvent avec effroi.) On me met sur mes paquets : à son excellence… Une fois j’ai fait le ministère. C’est drôle, tenez. Le directeur s’en va ; où est-il ? On ne sait pas. Alors naturellement on se dit : Qui est-ce qui va faire la place ? Il y avait là des généraux qui avaient bonne envie de s’y mettre ; mais on essaie, et puis on trouve que c’est difficile. On croit d’abord que c’est tout simple, et puis, quand on y est… le diable emporte ! on ne sait comment s’y prendre. Alors on retombe sur moi. Voilà des courriers en mouvement, des courriers, des courriers… Figurez-vous trente-cinq mille courriers ! Quelle situation, hein ? — Ivan Alexandrovith, venez donc faire aller le ministère. Moi, je vous l’avouerai, cela ne m’amusait guère. Je viens en robe de chambre… Je voulais refuser… et puis, j’ai craint que cela n’arrivât à l’empereur… et puis pour mes états de service… Eh bien ! messieurs, leur dis-je, je prends la mission, je la prends que je dis, comme cela… seulement… avec moi qu’on marche droit, — qu’on ne m’échauffe pas les oreilles) ou bien….. Là-dessus, je vais au ministère… C’était comme un tremblement de terre… Tout tremblait comme la feuille. (Le gouverneur et les employés tremblent de peur. Khlestakof continue en s’échauffant.) Oh ! je ne plaisante pas… Je leur ai donné à tous un galop !… C’est que le conseil d’état a peur de moi… Pourquoi ? C’est que je suis comme cela. (S’assoupissant par degrés.) Je ne ménage personne, moi. Je leur parle à tous.. Je me connais ; je me connais bien. Je suis toujours comme cela… Je vais à la cour tous les jours. Demain, peut-être, on me fera feldmar….. (Il chancelle et manque de tomber. Les employés le retiennent avec toutes les marques du plus grand respect.)

« Le gouverneur, tremblant de tous ses membres. — Vo… vo… vo…

« Khlestakof. — Qu’est-ce qu’il y a ?

« Le gouverneur. — Vo… vo… vo…

« Khlestakof. — Je ne comprends pas. Qu’est-ce que ce galimatias ?

« Le gouverneur. — Vo… vo… exce… votre excellence… vous plairait-il de Reposer… Il y a dans votre chambre tout ce qu’il faut.

« Khlestakof. — Quelle bêtise, reposer ! Ah ! pardon. Oui, je suis prêt à reposer… Je suis très satisfait… satisfait… Votre déjeuner, messieurs… Me voilà, nie voilà… Fameux poisson ! fameux poisson ! (Il sort.)