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cet amendement à des terres voisines ont déjà déterminé une quinzaine de bateaux à se consacrer à l’approvisionnement d’un dépôt à Plancoët. C’est le germe d’entreprises qui assureraient un tonnage considérable au canal de Jugon et fonderaient sur l’accroissement des produits de l’agriculture l’extension de la navigation maritime.

Quelques paysagistes ont apporté leurs toiles et leurs pinceaux sur les bords de l’Arguenon, et ils y ont trouvé tout ce que l’abondance des eaux, la fraîcheur des prairies, l’âpreté des rochers, l’épaisseur des ombrages, peuvent offrir de contrastes charmans. La masse imposante du château du Guildo est faite pour occuper à elle seule plusieurs peintres ; rien n’y manque de ce qui peut éveiller les imaginations, pas même la mystérieuse poésie des lugubres traditions. On ne sait ni par qui, ni à quelle époque fut fondé ce sombre édifice ; mais ce fut dans ses murs qu’en 1446 François Ier, duc de Bretagne, fit étrangler Gilles son frère, comme vendu aux Anglais ; en 1590 et en 1597, le château du Guildo fut encore ensanglanté par les luttes fratricides dont la ligue couvrit la France. Il n’a plus aujourd’hui d’habitans que des oiseaux de proie. Ces pittoresques avantages n’empêchent pas l’Arguenon maritime d’être un obstacle au mouvement dont Saint-Malo devrait être le foyer, et la construction d’un pont sur la Rance entraînerait la nécessité d’en établir un au Guildo. Heureusement l’espace à franchir n’est ici que de 120 mètres, et la nature fournit pourpoints d’appui des roches qui élèveraient le tablier du pont au niveau du plateau d’où descend la route et au-dessus de la portée des mâts des navires.

En sortant de la baie de l’Arguenon, les matelots saluent le champ de bataille de Saint-Cast. De la pointe qui lui sert de limite à celle de la Latte, s’enfonce entre deux lignes de roches acores la baie de La Frenay : à mer basse, c’est une longue plage de sable et de tangue. Elle est ouverte aux vents du nord-est, mais bien abritée de ceux du sud-est au nord-ouest, et les grands navires s’arrêtent à l’entrée sur un assez bon mouillage. Ceux dont le tirant d’eau n’excède pas 2 mètres 60 atteignent le fond de la baie aux marées des syzygies : ils déchargent aux petits échouages de Portmieux et de Port-à-la-Duc des matériaux et en remportent des grains ; mais le mouvement d’entrée et de sortie atteint rarement 5,000 tonneaux. La petite rivière de Frémur entre dans la baie par le fond et y divague à mer basse. Maintenue au pied de l’escarpe rocheuse qui se dresse du côté du nord, elle approfondirait elle-même son chenal et livrerait à la culture au moins 300 hectares d’excellent terrain.

Le mouillage de La Frenay est commande par le château de la Latte bâti, au milieu du Xe siècle, par la famille de Goyon, qui compte encore parmi nous de dignes représentans. Quand il repoussait les invasions des Normands, ce château s’appelait la Roche-Goyon, et l’on ne