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leur champ de bataille : ce serait sortir du cadre de ces études que de perdre le rivage de vue, et, parmi les actions dont il a été le théâtre ou le témoin, il ne faut même rappeler que celles dont il reste encore à tirer des conséquences utiles pour la défense de notre territoire.

Les Malouins prenaient leur part de la guerre suscitée par la ligue d’Augsbourg (1686), et quand survint la paix de Ryswick (1697), il était entré 256 prises, la plupart anglaises, dans leur port[1]. En 1692, ils armèrent en course 28 grands bâtimens et 106 petits[2]. Le 15 juillet de la même année, 32 voiles anglaises s’avancèrent dans l’atterrage de Saint-Malo et passèrent quatre jours à faire une reconnaissance minutieuse de toutes les passes : cette expédition, dont le but devait se révéler plus tard, ne fut marquée que par une attaque qui échoua contre le château de la Latte et par quelques centaines de bombes inutilement lancées sur Saint-Malo.

L’année suivante, on parlait sur toute la côte d’une machine infernale à laquelle de nombreux ouvriers travaillaient mystérieusement dans le port de Londres, et l’on se demandait avec anxiété sur quel point tomberait la foudre. Le 26 octobre, 12 vaisseaux de ligne, 5 galiotes à bombes, 2 corvettes, 4 brigantins et 3 brûlots vinrent reconnaître le havre de Rotheneuf et jetèrent l’ancre près de la Couchée. La ville était dégarnie de troupe ; sa jeunesse s’offrit à la défendre ; elle se jeta dans les forts, qu’on arma comme on put ; on n’avait que de mauvaise poudre, et quand les Anglais commencèrent le bombardement, on vit que les coups par lesquels on leur répondait ne portaient pas. Le lendemain, l’ennemi mit ses canots à la mer et fit sur l’île de Cézambre une descente. L’île ne contenait d’édifices qu’un couvent, et n’avait d’habitans que des récollets qui s’en étaient enfuis la veille. Les Anglais burent le vin des moines, ce qui était de bonne guerre ; ils brûlèrent l’église et le couvent, après avoir mis de côté tout ce qui était bon à emporter ; puis ils célébrèrent leur triomphe en accablant pendant plusieurs jours de grossières moqueries un pauvre moine qui, perclus de goutte, n’avait pas voulu suivre ses frères dans leur retraite.

Le 29, le duc de Chaulnes, gouverneur de la province, accourut avec deux compagnies de dragons et deux cents hommes d’infanterie. Le bombardement continua, et en fin de compte il causa à la ville un dommage estimé 3,000 livres : en revanche, les bombes des bourgeois de Saint-Malo enfonçaient une galiote et deux vaisseaux anglais ; mais « le 3 novembre, à sept heures du soir, lorsqu’on y pensait le moins, il se fit une décharge du canon du rempart. Incontinent après, tout Saint-Malo paraissait en feu, toute la ville fut ébranlée ; on entendit un

  1. Archives du Tallard à Saint-Malo. Pièces justificatives de la validité des prises.
  2. Archives de la guerre. Placet de la municipalité » de Saint-Malo.