les soldats anglais restent long-temps au service; en général ils ne sont pas jeunes; c’est peut-être à ce motif qu’est due la tranquillité exemplaire de leurs établissemens. Ce calme n’est troublé dans les barracks de l’Ile de Wight que par les batteries de caisses très peu tendues avec un accompagnement de galoubet un peu trop pastoral.
L’infanterie anglaise est pourvue d’armes excellentes; les fusils d’ancien modèle sont aujourd’hui supprimés. Je ne saurais en dire autant des sabres de la cavalerie, qui me paraissent mauvais et mal en main. Un fait intéressant, c’est que l’ivrognerie disparaît peu à peu de l’armée britannique. Ce vice est beaucoup moins répandu dans les basses classes, grâce à l’action bienfaisante des sociétés de tempérance; il n’est pas jusqu’à l’usage de demeurer long-temps à table après le départ des femmes qui, depuis quelques années, ne soit tombé en désuétude dans la bonne compagnie. Aussi les salles de police du bataillon du 36e étaient-elles vides. Cela m’a permis de les examiner en détail, et de constater que rien n’est plus mignon que ces petites cellules. Le système de l’isolement est ici en vigueur; chaque détenu occupe un lieu bien éclairé et aéré, pourvu d’une couchette parfaitement garnie, avec une table et deux chaises. Il a en outre à sa disposition un cordon de sonnette au moyen duquel il lui serait très facile de faire endêver son geôlier; mais le brave homme préposé à cet office m’a assuré que les soldats prisonniers n’en abusaient jamais.
L’un des bataillons du 36e est dans l’île de Wight, l’autre à la Barbade sous les ordres d’un lieutenant-colonel. Il y a deux officiers supérieurs de ce grade dans chaque régiment anglais; ils y remplissent les fonctions de chefs de bataillon dans notre armée. Quant au chef du corps, c’est un colonel du rang de général. Le 36e est sous les ordres de l’un des fils du feu roi. lord Frédéric Fitz-Clarence, actuellement gouverneur de Portsmouth. Rien de plus agité que la vie d’un régiment anglais; le 36e par exemple, après avoir combattu dans les Indes, où il a pris part aux glorieux faits d’armes qui s’y sont accomplis sous le commandement de lord Gough, est passé aux îles Ioniennes; de là il a été envoyé aux Antilles. Qui sait si, l’année prochaine, il ne fera pas la guerre en Cafrerie ? Cette manière de servir doit admirablement former l’armée anglaise, car la cavalerie, démontée bien entendu, en allant de garnison en garnison, fait, tout comme les troupes à pied, son tour du monde.
J’ai eu l’honneur d’être invité à un grand dîner par le colonel et le Corps d’officiers du 36e; le repas était servi dans une argenterie des plus riches, avec porcelaine, verrerie et linge de table à l’avenant. Tous les officiers, quel que soit leur grade, vivent à la même pension; c’est ce qu’on appelle la mess. Ils ont leur cuisine aussi bien que leurs logemens au quartier. Ce service de la mess fait partie du mobilier