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voisins, qui, dans les XIIIe et XIVe siècles, apparemment dédaignaient moins de la visiter qu’aujourd’hui. En 1797, la banque d’Angleterre suspendait ses paiemens à la nouvelle qu’une flotte française allait débarquer sur les côtes de la Grande-Bretagne. Tel a été de tout temps le cauchemar des habitans de ce pays. L’année dernière, après les fêtes navales de Cherbourg, nos vaisseaux avaient fait voile pour Brest ; mais, assaillis par des vents contraires, ils furent obligés d’aller chercher un abri momentané dans la baie de Torbay. Je me rappelle la lettre patriotique qu’adressa à l’amirauté, dans cette circonstance, le brave commandant du port de Torbay : « Une flotte française vient de mouiller dans la rade, écrivait-il en substance, nous n’avons pas de raisons de lui supp0ser des intentions hostiles… Cependant nous veillons, et au besoin chaque Anglais saurait faire son devoir, etc. » Sous le règne d’Édouard II, le comte de Chester, son fils aîné, gouverneur de l’île de Wight, poursuivi de la crainte des incursions françaises, avait déjà fait élever sur différens points du territoire vingt-neuf beacons ou tours de garde et de signaux, pour donner l’alarme à l’approche de l’ennemi. Les vestiges de quelques-unes de ces tours subsistent encore.

On a beaucoup discuté sur l’étymologie du mot un peu sauvage de Carisbrooke. Quelques auteurs prétendent que c’est le nom d’un chef saxon, nommé Whitgarsburgh, qui, sous le règne du roi Cerdic, en 530, assiégea et prit la citadelle. De Whitgarsburg, on aurait fait Garsbruk et enfin Carisbrooke. J’aimerais mieux assigner à ce nom barbare une plus ancienne origine encore : pourquoi ne serait-il pas breton, et conséquemment antérieur aux temps de l’heptarchie saxonne ? Dans Carisbrooke je trouve brooke, rivière (c’est la Médina), et caer, qui, en gallois ou en breton, veut dire ville, forteresse, comme dans Caermarten, Caernarvon. C’est le ker de notre Bretagne, qui signifie aussi ville, village, comme dans Kergariou, Keratry, Kersabiec. Dans quelques parties de l’Angleterre, on rencontre des lieux dont les noms sont semblables à ceux portés par certaines familles ou certaines localités de la Bretagne française : n’y a-t-il pas identité complète, par exemple, entre Caercaradok, nom d’une montagne près de Knighton dans le Shropshire, et Kercaradec en Bretagne ?

Il ne reste plus que des ruines du château de Carisbrooke. Pendant long-temps, cette position fut la clé de l’île. Les Romains, les Bretons, les Saxons et enfin les Normands, lors de la conquête, y établirent garnison, en réparèrent et en entretinrent les remparts. Il est facile d’y reconnaître l’époque de leurs différentes constructions, toutes les fois qu’elles ne sont pas superposées. Dans des temps plus modernes, les vieilles murailles normandes furent entourées d’une enceinte bastionnée, pourvue de quelques ouvrages avancés. Le château de Carisbrooke,