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s’appuyait, si la colonne d’attaque ne s’éloignait pas à l’instant. Cette attitude énergique fit réfléchir Read ; il commanda la retraite, et revint lui-même quelques instans après, porteur de propositions d’arrangemens, qui furent fièrement repoussées. La comtesse ne voulut entendre à rien tant qu’on n’y eut pas stipulé quelle resterait au château et libre, en attendant une décision ultérieure du parlement. Ces conditions accordées, la place fut rendue, et la petite garnison défila avec les honneurs de la guerre. Quand on songe qu’elle n’avait pas pour trois jours de vivres, on ne saurait trop admirer la belle conduite de lady Portland.

Les événemens trahirent les espérances de cette femme courageuse : le parlement refusa de ratifier la capitulation, et, peu de temps après, la comtesse reçut l’ordre de quitter l’Ile. Elle dut a l’humanité de quelques pécheurs de pouvoir être conduite en lieu sûr avec sa famille. Tous les forts du pays furent alors successivement occupés par les troupes du parlement, qui en nomma lord Pembroke gouverneur ; le colonel Robert Hammond l’y avait remplacé, lorsque, pour son malheur, Charles Iervint chercher un refuge dans l’île. Hammond était l’ami et la créature de Cromwell[1] ; il avait en outre Hampden pour beau-père ; cependant, comme il se trouvait être en même temps le neveu du chapelain favori du roi, encouragé par les assurances et les conseils de ce dernier, Charles crut devoir compter sur la générosité et même sur la sympathie du colonel, auquel il se rendit à discrétion le 12 novembre 1647.

Hammond traita d’abord Charles Ieravec le plus grand respect ; il accueillit le prince fugitif comme un hôte distingué, et non comme un prisonnier. Le roi était logé au château, mais il avait la liberté d’en sortir, et même de se promener à cheval dans l’île. Il aimait à jouer aux boules ; le colonel lui fit disposer un jeu dont on montre encore les traces. Un petit pavillon assez élégant fut aussi construit sur le rempart pour son usage spécial, et souvent Charles y allait rêver pendant le jour. Cependant ces attentions et ces égards furent bientôt refuses au prisonnier de Carisbrooke. Sur un ordre du protecteur, Charles fut écroué dans la forteresse, et on lui assigna pour prison l’un des appartemens situés du côté du nord. Il continua néanmoins, pendant tout le temps du séjour qu’il y fit, à y recevoir de nombreux témoignages d’intérêt et d’affection de la part d’une foule de personnes qui accouraient, même de fort loin, pour l’apercevoir. Il passait une partie de son temps dans la prière et dans la lecture de la Rible. Ses ouvrages favoris a cette époque étaient les sermons de l’évêque Andrew, les ouvrages du

  1. On a des lettres que le protecteur écrivait à cette époque à Hammond ; elles sont du style le plus familier. Cromwell l’appelait « mon cher Robin. »