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Shanklin, à quelques pas de Sandown, est favorisé par de nombreux mouvemens du sol, et surtout par la haute chaîne de coteaux qui le protège contre l’action des vents de sud-ouest. Là on retrouve cette admirable verdure qu’on peut appeler la parure spéciale de l’île de Wight.

Les personnes qui prennent des bains de mer en Angleterre se divisent en deux catégories : la première est celle des gens auxquels il faut, été comme hiver, du bruit et du mouvement autour d’eux ; ceux-là vont à Cowes, à Ryde, et surtout à Brighton, où ils retrouvent un peu de ce qu’ils ont laissé à Londres : des réunions fashionnables, l’agitation et les ressources d’une grande ville, les jouissances du monde et de la vanité. Dans la seconde catégorie, il faut classer les baigneurs d’humeur douce et rêveuse qui aiment à se reposer, aussitôt qu’ils le peuvent, de l’étourdissement de la capitale. Ceux-ci fuient, pendant la belle saison, les soirées, les bals et les concerts, et recherchent les plaisirs de la solitude et le spectacle d’une belle nature. De tous les points de la côte de l’île de Wight où l’on a coutume de prendre des bains de mer, Shanklin est, sans contredit, le plus agréable et le mieux fait, sous tous les rapports, pour convenir aux dispositions des touristes qui cherchent le calme. Les maisons de Shanklin ont toutes l’apparence de chaumières gothiques, mais de formes et de grandeurs différentes ; quelques-unes sont meublées et disposées intérieurement avec la plus grande élégance ; je citerai, entre autres, Vernon-cottage, à M. Philipps. Placées à une assez grande distance les unes des autres, elles sont séparées par des jardins et des bouquets d’arbres. Les hôtels de ce village sont tenus avec luxe et aussi soignés que les maisons particulières.

Je crois qu’on doit considérer la flore de Shanklin comme l’une des plus riches de l’île. Les habitans du village ont l’habitude de placer çà et là, sur les gazons, des espèces de tables rondes, soutenues par un pied en bois rustique et formant corbeilles, où l’on cultive des fleurs aux couleurs les plus vives et les plus variées. Tel est l’amour des fleurs dans ce pays, qu’indépendamment de celles qui tapissent les murs ou recouvrent les toits des cottages, des guirlandes qui envahissent les branches des arbres, des massifs qui interrompent la verdure des pelouses, on a imaginé encore ces jardinières, sorte de moyen ingénieux de les multiplier. À part un ou deux ormes qui se trouvent à Richmond, sur le bord de la Tamise, et que je connais bien, je n’ai pas vu en Angleterre de plus beaux arbres qu’à Bonchurch et à Shanklin ; ceux qui ombragent le presbytère de l’Achdeacon-Hill, dans le dernier de ces villages, sont surtout extraordinaires par leur hauteur, la grosseur de leur tronc, le nombre de leurs branches et l’abondance de leur feuillage.