Aussi loin qu’il pouvait distinguer dans les ténèbres, il n’aperçut que les vagues. La petite grève qu’il fallait traverser pour gagner la ravine avait été si complètement envahie, que la chaussée de récifs qui la partageait ne se reconnaissait plus qu’au bouillonnement écumeux du flot qui en dessinait la direction. Le grand rocher dressé en face, gagné lui-même par la mer, semblait s’enfoncer, d’instant en instant, comme la poupe gigantesque d’un vaisseau qui sombre dans la nuit. Marzou courut à la seconde entrée ; mais, là, le rivage, plus abaissé, avait entièrement disparu, et il ne vit plus qu’une baie profonde sur laquelle courait la houle.
Après le premier cri d’effroi, Annette était restée à la même place, muette, les mains jointes et le regard fixé sur Loïs, attendant qu’il lui proposât quelque moyen de salut ; mais, quand elle le vit immobile à la seconde ouverture de la grotte et continuant à regarder les vagues qui baignaient déjà ses pieds, elle lui saisit la main et l’appela par son nom. Marzou se retourna.
— Eh bien ? demanda-t-elle.
— Eh bien ! vous voyez, balbutia le jeune garçon ; de ce côté, on ne peut pas rejoindre la ravine jaune qu’on aurait essayé de monter au péril de sa vie, et, de l’autre, la chaussée est noyée : personne n’y passerait sans être emporté.
— Mais vous, qui connaissez les roches du Castelli comme je connais la maison de mon père, reprit la jeune fille avec une angoisse mortelle, ne pouvez-vous donc trouver d’autre route ? n’y a-t-il enfin nul moyen de sortir d’ici ?
Marzou secoua la tête, et, pour toute réponse, il montra la mer, qui les enveloppait.
— Mon Dieu ! cria Annette avec un élan de désespoir, mon Dieu ! Loïs, mais nous ne pouvons pourtant mourir ici ! Voyez, la terre est là tout proche.
— Oui, dit-il sourdement ; mais, pour l’atteindre, il faut traverser la grève à la nage.
La fille de Goron tressaillit.
— Eh bien ! vous nagez, vous, s’écria-t-elle ; vous passerez la petite grève sur le flot aussi aisément que je l’ai passée tout à l’heure sur le sable. Vite, vite, partez. Loïs ; si vous tardez, il ne sera plus temps !
— Et je vous laisserais mourir seule, n’est-ce pas, chère innocente ? dit le jeune garçon, qui sourit tristement.
— Non, reprit Annette, je sais que vous ne m’abandonnerez pas: mais ici vous ne pouvez rien, tandis que, si vous atteignez la côte, vous courrez au port ; là, personne ne vous refusera une barque, et vous viendrez me sauver.
Le traîneur de grèves secoua la tête.