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qu’elle remplit jusqu’au sommet. Marzou se sentit emporté ; mais ses mains, rencontrant les aspérités du roc, s’y crispèrent convulsivement ; le flot retomba, et Loïs resta suspendu sur l’abîme avec la jeune fille. Celle-ci, étourdie par le choc, avait détaché ses bras de l’épaule de son compagnon ; il fit un effort pour la ramener plus haut en essayant de l’encourager. L’approche du danger suprême lui avait rendu toute son énergie. Annette, animée par ses paroles, se cramponna aux parois de la grotte, afin de résister à la vague qui revenait. Pendant quelques instans, ce fut pour tous deux une lutte horrible et désespérée. Soulevés à chaque lame, suffoqués, étourdis, ils ne reprenaient haleine que pour repousser un nouvel assaut. Les forces allaient leur manquer quand la voix de Iaumic leur arriva de nouveau à travers la fissure du rocher. — Courage, mes gens ! criait l’enfant, voici le gros Pierre.

La forme vague d’une chaloupe se débattant contre les flots leur apparut en effet dans la nuit ; mais elle s’arrêta à quelque distance de l’entrée, et le patron leur cria des paroles qui se perdirent au milieu du fracas des eaux.

— Que dit-il ? demanda la jeune fille.

— Il dit, reprit l’enfant, que l’embarcation ne peut approcher de la grotte sans être brisée.

— Au nom du Christ ! un effort pour sauver des chrétiens ! cria le traîneur de grèves.

— C’est impossible, répéta Iaumic, la mer est trop forte ; voilà que leur grappin dérape ; ils disent qu’ils ne peuvent rester.

— Alors il n’y a plus qu’une chance, s’écria Marzou, qui se redressa avec un effort suprême ; appuyez fermement votre bras à mon épaule, Niette, et recommandez votre ame à Dieu !

Comme il achevait, une vague énorme l’atteignit, il abandonna le point d’appui auquel il s’était retenu jusqu’alors ; Annette poussa un grand cri, et tous deux furent engloutis dans le tourbillon ; mais, ainsi que l’avait prévu le traîneur de grèves, le mouvement de reflux les emporta hors de la grotte. Le gros Pierre crut distinguer quelque chose qui passait dans les brisans : il tendit son aviron, et, ramenant à lui Marzou, il le recueillit dans sa barque avec la jeune fille évanouie.


IV.

En reprenant ses sens, Annette se retrouva chez elle, entourée de voisines qui, sous prétexte de lui donner des soins, étaient accourues près de son lit et l’accablèrent bientôt de questions. Toutes voulaient savoir pourquoi la jeune fille se trouvait dans la grotte du Castelli avec le traîneur de grèves, et comment la marée les avait surpris. Annette ne put échapper à cet interrogatoire qu’en feignant un accablement