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ne s’enrichit pas, on se venge. Il y a ensuite la khrotefa, qu’on exécute en plein jour, vers trois heures après midi, et dont le principal but est le pillage. Il y a enfin la terbigue, qui n’est qu’un tour de voleur favorisé par les ténèbres de la nuit.

De toutes les formes de la razzia, c’est la tehha qui est la plus solennelle et la plus dramatique. Quand une tehha est projetée, le cheikh donne l’ordre de ferrer les chevaux, de préparer les vivres, de faire la provision d’orge pour cinq ou six jours, plus ou moins. Ces provisions sont mises dans des besaces (semate).

Avant de se mettre en marche, on envoie deux ou quatre cavaliers chouafin (voyeurs) pour reconnaître l’emplacement de la tribu qu’on doit attaquer. Ces éclaireurs sont des hommes bien montés, intelligens, connaissant le pays, circonspects. Ils marchent avec précaution et font un grand détour; en cas de surprise, ils se présenteront du côté par où les gens à combattre ne voient d’ordinaire paraître que des amis. Arrivés près du but, ils s’embusquent; l’un d’eux se détache à pied et pénètre jusqu’au milieu des douars, sans exciter le moindre soupçon. Une fois renseignés sur les forces et les dispositions de l’ennemi, ils retournent sur leurs pas, et vont rejoindre le goum qui les attend dans un lieu déterminé à l’avance, et qui, ainsi que les chouafin, a suivi une direction de nature à n’inspirer aucune crainte à ceux que l’on veut surprendre.

Tous les renseignemens sont recueillis, la tribu à envahir est tout près; il faut tomber sur elle à la pointe du jour, car à cette heure on trouve « la femme sans ceinture et la jument sans bride. » Avant de se lancer dans la mêlée, les chefs adressent à leurs cavaliers une chaleureuse allocution : « Faites attention; qu’aucun de vous ne s’avise de dépouiller des femmes, d’enlever des chevaux, d’entrer dans les tentes, de mettre pied à terre pour faire du butin, avant d’avoir beaucoup tué; rappelez-vous que nous avons à faire à des enfans du péché qui se défendront vigoureusement. Ces gens ont massacré nos frères, pas de grâce... Tuez!... tuez!... si vous voulez à la fois et la vengeance et les biens de l’ennemi, car, je vous le répète, ils ne vous céderont pas ceux-ci à bon marché. »

Puis le goum se divise en trois ou quatre corps, pour jeter l’épouvante dans la tribu par plusieurs côtés à la fois. Dès qu’on est à portée, on commence le feu; aucun cri, tant que la poudre ne s’est pas fait entendre.

Ces razzias deviennent la plupart du temps d’épouvantables carnages. Les hommes, surpris à l’improviste, sont presque tous mis à mort; on se contente de dépouiller les femmes de leurs vêtemens. Si le temps le permet, les vainqueurs emportent les tentes et emmènent les nègres, les chevaux, les troupeaux; les femmes et les enfans sont