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permet aux musulmans, qui y mettrait obstacle : à en croire le proverbe arabe, la Juive seule surpasse le Chitan (Satan) en malice; mais aussitôt après Satan vient la musulmane, et il est sans exemple dans le désert que des femmes se soient dénoncées entre elles.

La nuit est passée., le ciel se dore, c’est l’instant du départ; la marche du second jour va commencer. À ce moment, les chefs envoient des chouafs, avec mission de reconnaître l’emplacement de l’ennemi, et de juger, aux signes extérieurs de son état moral, de la quantité des renforts qu’il a reçus. Ces éclaireurs s’avancent avec précaution et ne marchent plus que la nuit, lorsqu’ils approchent du camp ennemi; puis un homme à pied se détache, qui profite de tous les accidens de terrain pour échapper aux regards, et souvent, couvert de haillons, pénètre hardiment la nuit au milieu des douars. Il s’assure du nombre de fantassins, de chevaux, de tentes; il observe si l’on rit, si l’on s’amuse ou si la tristesse règne dans le camp; puis il vient rendre compte du résultat de ses observations.

Les chouafs réunis attendent le jour dans un endroit retiré, impatiens de voir quelle sera l’attitude de l’ennemi au soleil levant; s’il fait la fantasia, s’il tire des coups de fusil, si l’on entend des cris de joie, les chants, les sons de la flûte, bien certainement il a reçu des renforts, et il ne s’inquiète pas de l’attaque prochaine.

La tribu poursuit sa marche jusqu’à ce qu’elle ne soit plus qu’à neuf ou dix lieues de l’ennemi. On ne s’est avancé qu’à petites journées; les bagages, les femmes, les fantassins, sont autant de causes de lenteur; ce qui retarde surtout la marche, ce sont les ordres des chefs, qui veulent laisser à ceux qu’ils vont attaquer le temps de la réflexion. C’est prudemment agir, et de puissans motifs les déterminent. Qui sait? peut-être vont-ils recevoir des propositions de paix avec force cadeaux pour eux, les personnages prépondérans dans les conseils. Les exemples manquent-ils? N’est-ce point la coutume? A eux les cotonnades, les vêtemens de drap (kate), les fusils montés en argent, les bracelets de pied (khrolkhral), et enfin les douros!... Alors, il faut le dire, quand l’affaire prend cette tournure, elle est bien près de s’arranger à l’amiable.

Le plus souvent toutefois la tribu a résolu de résister; elle se dispose alors à la lutte. Elle laisse arriver les ennemis à une journée de marche : aucune avance, aucune proposition. Ils continuent leur route le lendemain, et viennent camper à deux lieues au plus de ceux qui s’attendent au combat.

Les éclaireurs des deux partis se rencontrent, ils s’excitent mutuellement, et préludent aux hostilités par des injures. Les mecherahhin (provocateurs) échangent quelques coups de fusil, et s’écrient, les uns : « O Fatma! filles de Fatma! la nuit est arrivée; pourquoi continuer