Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 12.djvu/979

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nête homme. Était-on libre, après cela, de préférer la prudence à l’honneur ? Était-ce pur plaisir de chercher une querelle que de réclamer pour le parlement une protection plus immédiate et plus sûre, lorsque le message venait de le dénoncer au pays, lorsque la circulaire du général de Saint-Arnaud le supprimait presque à la face de l’armée, lorsque enfin la majorité avait de plus en plus sujet de redouter la protection vainement désavouée dont la montagne couvrait la nouvelle attitude du pouvoir exécutif ? Tel est cependant le vent qui souffle en de certaines régions, que ces précédens accusateurs se sont effacés tout de suite, qu’on n’a presque plus songé aux torts du message, et qu’on a bravement instruit le procès de la loi des questeurs, en lui imputant d’abord d’être au premier chef une loi offensive, — une arme de guerre. On a évoqué les principes généraux de la discipline militaire, qui ne comportent pas, bien entendu, le partage du commandement, et l’on a oublié que les principes généraux n’étaient point de mise dans les circonstances exceptionnelles qu’il s’agissait de prévoir. On a oublié l’appui manifeste et tutélaire qu’on recevait de la montagne, le motif perfide qu’elle assignait ouvertement à cette aide peu généreuse dont elle favorisait le ministère, l’amère jouissance dont elle se vantait en prêtant son appoint au président de la république pour détruire la majorité du parlement. La prudence pouvait peut-être apercevoir plus tôt des symptômes assez notoires de ces dispositions trop complaisantes, et se désister à temps d’une poursuite au bout de laquelle il n’y avait plus qu’un revers ; — mais après la dernière déclaration prononcée par le général de Saint-Arnaud du haut de la tribune, après qu’on savait d’une façon si catégorique, pour le tenir d’une bouche si hautaine, que les rapports jusqu’ici établis entre l’assemblée nationale et l’autorité militaire venaient d’être si gravement altérés sur la seule injonction du ministre et à l’insu du parlement, la prudence alors n’était plus de saison, parce que le parlement n’avait plus qu’à soigner son honneur, et nous plaignons ceux qui ne l’ont pas fait. La montagne cependant n’avait pas de raison d’être si susceptible, et puisque la discorde ne pouvait qu’aboutir à son profit, le mieux que la montagne eût à faire, c’était d’envenimer la discorde, c’était de déchirer encore la plaie, afin de l’élargir toujours. Elle y a réussi, et de sa tactique, de son alliance en masse, s’est formée cette majorité des 408, qui, en se révélant, a du coup étonné, confondu, paralysé l’ancienne.

C’est dans cet état que l’on a pourtant abordé le chapitre des élections détaché par M. de Vatimesnil du texte de la loi d’organisation municipale et départementale. On se rappelle que c’était la méthode conciliante à laquelle on s’était arrêté pour soumettre derechef aux débats parlementaires le principe de la loi du 31 mai, ce principe que l’on n’avait pas même voulu discuter à propos de la loi de M. de Thorigny, parce que celle-ci le rayait. Nous avouons humblement que nous n’avons pas le courage de suivre l’assemblée dans les variations et les capitulations qui ont fait de son œuvre nouvelle cette belle chose qu’elle a failli rejeter hier après l’achèvement. On ne s’est pas relevé de la séance du 17 novembre, et l’on n’a pas senti qu’on se préparait un échec encore plus définitif, en abandonnant la loi du 31 mai qu’en perdant la partie sur la loi des questeurs. On s’est noyé dans les équivoques superflues et dans les transactions impossibles. On a rendu la besogne trop commode aux défec-